RER D

Le pied qui s’accroche sur le coin du lit au réveil, la douleur dans le petit orteil comme si on t’arrachait une dent, tu te hisses dans la baignoire, y’a plus d’eau chaude, t’étales à l’eau froide ton maquillage de la veille, panda pathétique sous la lumière triste du néon de la salle de bain, il fait froid même dedans, dehors il pleut, plonge dans l’armoire qui dégueule les fringues, forcément tu trouves rien, ta sape préférée se planque derrière le canapé, oubliée, trouve tes chaussettes d’hier roulée en boule au milieu du couloir, tu les sens vite fait, pas d’odeur, pour les neuves ca attendra ce soir.

Vite attrape ton sac, ton téléphone et puis tes clés, dévale les escaliers, prend toi les pieds sur le paillasson du hall d’entrée, latte toi la gueule sur la dernière marche et prend toi pleine face la porte vitrée, relève toi, glisse sur les feuilles pourries sous la pluie, court après le bus qui s’arrête 500 mètres avant ton terminus, court après la montre et le bruit du train qui arrive en gare, saute dans le premier wagon, voyage plié entre un mec qui se frotte et une meuf qui tricote, ca sent dèja la transpiration et la fin de journée, pourtant il est 8h06, ca vient juste de commencer.

Les Halles, changement, tout le monde descend, fait la queue en bas de l’escalier mécanique, tout le monde est pressé, tout le monde se pousse, joue des coudes et passe devant, grimpe et dépêche toi, y’a du monde derrière toi, tourne à droite, pass Navigo qui refuse de bipper, les contrôleurs t’attendent déjà de l’autre côté du tourniquet, pas de photo sur la carte, mademoiselle ca fera 30 euros, déchire le papier rose devant leurs yeux, reprend ta course, souris au clodo, chaque matin il taxe devant la boulangerie, défoncé les pieds nus dans la station puante, gobelet de papier à la main, il sait que tu donnes rien, mais tout les matins, il lève la main, pour te souhaiter bonne journée, sourire et repartir mendier.

Ligne 4, les parisiens, apprêtés et puant le parfum, les bobos les plus cools descendent à Étienne Marcel, putes à franges et mecs en costume-basket, les pakis du Sentier descendent comme moi à SSD, les coiffeuses et les chinoises font une station de plus, je les retrouverai ce soir à la fermeture, dernière épreuve, les escaliers, zappe le mec des gratuits, j’aperçois mon café, au Central on se tient chaud, les travailleuses du trottoir prennent des forces, les boys des livraisons attendent le patron, moi je prends du calme, un allongé, une clope et Libé, j’ai 10 minutes pour me réveiller, twitter et envoyer mes voeux du matin à ceux qui le méritent, ils me soutiennent de loin, sous la couette encore les enculés, je vois mon boss passer devant le café, il tape sur la bâche pour me dire de me presser, ca promet, 2 euros 30 plus tard, je suis dehors, apaisée, prête à l’entendre gueuler toute la journée.

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