We need to talk

Je suis une grande angoissée. Ca porte plein de noms compliqués, il y a des diagnostics, des médicaments à prendre et des exercices de relaxation, ca ne fonctionne pas vraiment, j’ai peur, toujours, tout le temps, l’intérieur de mes joues est usé, à force de me mordre, à force d’insister, j’ai peur de la foule et de la solitude, des espaces cloisonnés et de la liberté, il m’arrive de craindre la musique, les livres et les films, j’ai peur de tomber folle, j’ai peur de respirer, j’ai peur de mon coeur que j’entend battre, j’ai peur qu’il puisse s’arrêter, j’ai peur d’avoir peur, j’ai peur de ne plus jamais profiter de rien, ni du travail, ni des vacances, ni de l’amour, ni du quotidien.

Parfois pour quelques heures j’arrive à m’échapper. De ma propre prison, de mes propres angoisses, de la permanente insécurité que je me traine à longueur de journée, c’est précieux, ca ne dure jamais longtemps, le moindre geste me semble si simple, si évident, prendre le métro, s’asseoir à une terrasse, commander un café, regarder les gens qui passent, décrocher le téléphone, discuter, écrire sans crainte de tout effacer, j’ai conscience de ma stupidité, ces gestes qui ne sont rien, qui font en s’additionnant toute une vie, l’angoisse parvient à m’en priver, elle grignotte peu à peu ce qu’il me reste, bientôt je n’aurai plus rien à moi, plus rien de sacré, elle aura tout envahi, tout pris, tout violé, je ne sais plus lutter, j’en crève, je me débats, j’avance en diagonale, elle prend tous mes rois.

Le pire, c’est peut-être la honte, de ne pas savoir dire, de ne pas pouvoir expliquer, de ne pas avoir d’explication, ni pour moi, ni pour les autres, pour tous ces rendez-vous annulés, ces occasions manquées, j’ai beau chercher pourtant, j’ai beau essayer, je passes des marchés avec le diable, je lui propose de me trancher la main, d’un coup sec m’en séparer et la lui offrir, en échange il me délivre, il éloigne la peur, il me permet de vivre, je me préfererai infirme, c’est horrible, je suis prête à échanger, jeune femme dérangée, trouble de l’angoisse aggravé, bonne CSP, donnerait contre n’importe quelle merde sa peur dans un petit paquet.