Motif du deces

Avant j’aimais tout le monde. Par principe. Un sourire, une blague, un bon mot, et je t’aimais. Aveuglément. A me rouler par terre dans un champ de rutabagas pourris. A te donner mon hypothétique chemise. Convaincue de la bonté de l’humain, qu’en chacun réside un peu de lumière, que les pourris ne sont en fait que des anges déchus et blessés, que les connasses sont des petites filles frustrées, que le communisme est une idée formidable, bref, remplie de bon sentiments, je parcourais les foules en jetant mon amour à la face des gens, sans jamais choisir, parce que tout le monde mérite d’être aimé, parfaitement monsieur. Une analyse de comptoir plus tard, et on se rend facilement compte que je voulais surtout être aimée, de n’importe qui et à n’importe quel prix, et que ces bons sentiments, cet humanisme forcené, n’étaient que des prétextes pour faire accepter aux autres mes propres défauts, mes noirceurs et mes manquements.

Qu’on ne se méprenne pas, le complot visant à être aimée, désirée et adulée par le monde entier pourrit toujours quelque part à l’intérieur de mon abdomen, quelque part entre la rate et le cœur. La résilience, oui, merci, mais pas complétement. On oublie jamais vraiment, je ne sais pas si on pardonne tout à fait. On fait avec et on modifie son rapport à l’autre, on prend du recul, du moins, on essaie. On ne change vraiment jamais. Je crois avoir compris qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, enfin. Et surtout, que j’ai le droit de détester, de ne pas être d’accord, de m’opposer, d’ignorer, de ne pas tout supporter sur l’autel d’une pseudo amitié, d’une relation lointaine familiale ou de quelques mails échangés. Je ne me bats plus contre les moulins à vents qui brassent conneries sur conneries, j’ai abandonné, je les laisse se débrouiller, j’ai trop à perdre dans ce combat déséquilibré, ego contre connerie, connerie contre soumission au principe de fidélité, connerie contre connerie.

Mon cœur de cible se restreint, et vous êtes de moins en moins nombreux à passer les tests d’entrée. Je fonctionne toujours de la même façon, je donne tout, très vite, mais à la première incartade, au premier mot de travers ou à la première alarme, ma confiance et mon soutien indéfectible se retire. Three strikes and you’re out. Au bout de la troisième, je ne ressens plus rien, j’attends juste que tu finisses de te vautrer, que tu confirmes pour mes statistiques ton statut d’enculé. Je tire un trait sur mon carnet, j’efface ton numéro, tu n’existes plus, grand ménage par le vide, rien de recyclable, déchets contaminés, merci de tout brûler.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *