Thanatos et les autres

Ca me fait bien marrer, tous ces gens qui ont réussi à interdire l’exposition de photos de Larry Clarck aux mineurs, comme si les adolescents vivaient dans une bulle stérile faite de petits pains au lait et de barres de chocolat pour le goûter, à croire que vous avez oublié que l’adolescence commence aujourd’hui à 10 ans, la faute aux hormones dans la viande ou aux parabens, mais surtout la faute de ceux qui voudraient interdire, ceux la même qui hurlaient encore à la liberté d’écouter leurs disques un peu trop fort le soir il y a quelques années, ces adultes soit-disant responsables parce qu’ils ont enfanté, comme si il suffisait d’inséminer et d’accoucher, de nourrir et de vêtir pour élever.

Empêche tes enfants d’aller voir cette exposition, mais alors coupe leur Internet, confisque les téléphones portables, interdit les magazines, l’interaction entre les sexes, l’école mixte, les adolescents sont tellement plus viciés qu’il y a quelques années, ils connaissent tout du sexe et de ses perversions avant même de perdre leur virginité, ils matent du porno en cachette et chattent par webcam, enferme tes enfants si tu as peur de leur expliquer, si tu as peur de leur montrer que l’art n’est pas seulement enfermé sous clé dans des musées pour japonais, qu’il n’est pas uniquement couleur, forme, point et ligne, que l’art est subversif, voyeur, dérangeant.

Prend le temps de leur apprendre, de former avec eux une pensée, de lever les barrières  un instant, pour les construire plus solide juste après, aide les à apréhender, à comprendre, à regarder, mais n’interdis pas, ils regarderont Kids et Ken Park en cachette, ils n’en retireront que les scènes glauques des californiens sous amphétamine, c’est presque fasciste, interdire parce qu’on se refuse à parler, parce qu’on a peur, parce qu’on voudrait s’enfermer, élever un mur stupide entre les adolescents et les adultes, alors que les frontières sont de plus en plus floues, alors que les adulescents ont 35 ans, que les grossesses de filles de moins de 15 continuent à se multiplier, qu’on viole en réunion et qu’on brûle des filles qu’il faudrait cacher. Continuer à nier la sexualité des adolescents, c’est donner raison aux ségrégations entre les sexes, encourager la façon de penser des intégristes, ceux qui voudraient tout réglementer pour tous, de notre manière de jouir à notre manière de mourir, c’est accepter qu’on ne veut pas en parler, comme si ca n’arrivait pas, comme si on se refusait à entrer dans la réalité des autres, même par le biais de quelques clichés.

Au delà du sexe, c’est du passage, de l’initiation, qu’il est question dans les travaux de Larry Clarck, c’est le chemin torturé de quelques uns, c’est son enfance qu’il repasse sous le grain de ses photos, la réalité de certains imprimée en fiction sur du papier glacé, peut-être faudrait-il interdire aux plus de 18 ans de visiter cette exposition, limiter son accès aux adolescents justement, pour qu’on ne puisse plus l’accuser de pédo-pornographe, pour que son œuvre touche, dépourvue de la grille de lecture des adultes, brute.