Prostitution, client, hard discount

Je ne comprends pas le projet de loi visant à pénaliser les client des prostitués. On tombe dans l’hypocrisie de la graine de beuh, tu sais, celle que tu as le droit d’avoir dans la poche, mais pas le droit d’avoir acheté, ni le droit de faire pousser. T’as toujours le droit de te prostituer, mais pas de racoler, et ton client va se prendre une amende. Tout est donc logique. Je ne comprends pas en quoi ce projet va aider à sortir les individus qui subissent l’esclavage sexuel et les mauvais traitements des mafias de leurs enfers. Au contraire, il me semble que ces derniers, qui ne manquent jamais d’imagination quand il s’agit de gagner des ronds sur le dos de la misère, n’hésiteront pas une seconde à trouver d’autres lieux, d’autres filières, d’autres moyens, pour faire venir les clients et pour les assurer d’une expérience tarifée sans la peur du gendarme. Quand au client lambda, celui qui aime se faire faire sa petite gâterie dans un BMC défraîchi en sortant du boulot, je doute que ca l’arrête, car aussi respectable soit la police, elle n’est pas partout, et n’inspire pas la même crainte à tous. Au mieux, cela déportera le problème des réseaux de traffic humains vers des pays plus accueillants et frontaliers, comme la Belgique et l’Espagne. Et ca emmerdera les individus qui se prostituent par choix, donnant une image un peu plus sale et criminelle de leur activité. Comme si ils avaient besoin de ça, en plus, pour être stigmatisés.

Il est évident qu’il faut combattre de toutes nos forces les traffics d’individus. Je ne parle donc pas dans la suite de ce billet des femmes et des hommes qu’on force de manière physique ou psychologique à la prostitution. Je ne suis pas POUR la prostitution. Je ne suis pas CONTRE non plus. Je suis résolument persuadée qu’il existe une liberté des corps et des personnes, et que certains décident de la pratiquer, en connaissant parfaitement leurs motivations, ce qu’ils en attendent. Ce n’est pas une position théorique, je connais des femmes prostituées, qui exercent leur métier en toute conscience, qui mènent une véritable entreprise, avec rendez-vous, gestion de clientèle, pose de limites, chiffre d’affaire déclaré. Contrairement au discours habituel des abolitionnistes, ces femmes n’ont pas été violées, abimées, réifiées. Elles savent ce qu’elles font. Elles en connaissent les risques, tant sur le plan pratique, que sur le plan psychologique. Elles s’interrogent sur leur avenir, sur la maternité, sur leurs prochaines vacances. Elles ont la particularité d’être travailleuses du sexe, et de ne pas pouvoir l’inscrire sur les fiches de renseignement à l’école du petit. Je ne sais pas quel pourcentage exact représentent ces individus libres de leur prostitution sur le nombre total des individus proposant des services sexuels en France. Ils ne sont sans doute pas majoritaires. Mais ils existent. Et ils n’ont pas à se taire. Et puis au fond, au nom de quoi voudrait-on m’interdire de faire prestation de mon corps ? Si la sexualité revêt pour certains un caractère sacré, animal à deux têtes, entre le corps et le coeur, il n’en est pas de même pour tous. On parle de violence faite aux femmes dans toute la prostitution, qu’elle soit volontaire ou subie, je ne suis pas d’accord. Les femmes qui choisissent la prostitution ne sont pas des idiotes, des victimes, des attardées mentales, qui n’obéiraient qu’à des traumatismes anciens ou à des pulsions de mort. Il faut sortir du fantasme de la pute.

Mais puisqu’on parle des clients, je pense que c’est à eux de se responsabiliser. Impossible sans doute, quand on lit les témoignages de ces punters très fiers d’avoir négociés une passe à 10 euros sans préservatif à un travesti ivre, ou de n’avoir réglé qu’une heure sur deux à l’agence Tchèque pour le délicieux moment passé dans les bras d’une jeune fille qui ne parlait pas un mot de français, mais qui se laissait faire, docile. Je parle beaucoup d’hommes, désolée de stigmatiser, mais je n’ai pas lu ou entendu de témoignages de femmes clientes de ce genre. Je me demande souvent comment un homme peut avoir une érection dans un local poubelle du boulevard Barbes, alors qu’il besogne une femme dont il vient de négocier l’accés au vagin pour 15 euros. Sa queue n’est pas en relation avec son cerveau ou avec son émotion, bien sur. Il n’est pas là pour ça. Il est là pour se payer le trou le moins cher de la rue, faire son affaire, et partir. C’est cru, mais il n’y a pas d’autres mots. C’est le hard discount de la prostitution, le producteur, donc le macrot, se fout du prix auquel la fille se vend, l’important c’est ce qu’il touche au bout du compte, au bout de la nuit, alors une passe ou 15, qu’est ce que ca change pour lui. Le client, veut baiser pour rien, ou presque. Quand les deux se rencontrent, l’économie du vice est au point 0 de l’humain.

On parle de Philippe Caubère. Je n’ai pas beaucoup apprécié son texte. Mais passons. Prenons le en exemple. Il dit fréquenter des escorts girls, le nom joli de la prostitution 2.0. Cela veut sans doute dire qu’il passe de longues heures la main devant son caleçon sur des annuaires de prostituées à cliquer sur des photos et sur des grilles de tarifs à se demander avec qui il passera son prochain moment coquin. Une fois son choix visuel effectué, il contacte la prostituée en question, souvent par téléphone. C’est là qu’il se dit qu’elle a l’air sympathique, ou pas. C’est là aussi que l’escort juge de la santé mentale de son potentiel client, elle se dit qu’une voix peut dire beaucoup. Ils discutent de prestations sexuelles, elle ne fait pas le A+, la sodomie quoi, il dit que ce n’est pas grave, il n’en avait pas très envie, il dit « c’est toujours 300 de l’heure ? », elle répond que oui, et que comme d’habitude, ce n’est pas négociable. Il approuve. Ils prennent rendez-vous, il paie, ils baisent, elle repart. Elle aurait pu refuser. Elle aurait pu annoncer un autre tarif, une autre prestation. Il aurait pu ne pas accrocher au téléphone. La relation commerciale aurait pu s’arrêter en pleine négociation. Ils vont au bout du contrat. Et ca ne me choque pas.

11 réflexions sur « Prostitution, client, hard discount »

  1. Les clients des prostitués me font gerber. Ces mecs qui fouillent avec leur quine le vagin de femmes en se fichant de leur absence de désir me dégoutent.
    Et maintenant, si on écoutait Caubère, il faudrait les prendre pour des victimes. J’en pleure tant que je préfère en rire.

  2. @lisa
    « Ces mecs qui fouillent avec leur quine le vagin de femmes en se fichant de leur absence de désir »
    j’ai envie de retourner la proposition : ces femmes qui se font fouiller le vagin avec des queues alors qu’elles n’ont pas de désir. Si elles le choisissent, est-ce que c’est toujours dégoûtant?
    par ailleurs, l’absence de désir ne me paraît pas réservé au sexe tarifé, dans ce cas, c’est quoi qui vous dégoûte, le sexe sans désir ? bienvenue sur terre. peut-être que c’est comme ça que vous le concevez dans votre vie, et il n’y a rien à en dire, mais ça me paraît toujours bizarre quand on souhaite que chacun ait les mêmes approches/ressentis/volontés/possibilités que nous.

  3. Enfin une réaction saine au texte de Caubère et à cette polémique décourageante! Entièrement d’accord avec toi.
    Mais quand même, on n’écrit pas macrot, mais maquereau…

  4. @Julie le strass qui represente en partie la prostitution choisie comptait 100 a 200 adhérents en 2009, le nombre de prostituées en France est estime a 20000. Ça en dit long sur la proportionde prostituées issue de la traite ou qui ne font pas ça par « choix » mais parce qu’elles n’ont pas accès a d’autres métiers. J’ai bien conscience qu’on a pas encore proposé de solutions pour que ces personnes fassent autre chose mais c’est bien loin de la vision d’une prostitution volontaire et choisie.
    Ensuite, jamais je ne me permettrai de comparer les quelques fois où dans mon intimité j’ai pu faire l’amour « par complaisance » parce que l’homme qui m’aimait voulait alors que je n’en brulais pas d’envie et la situation de femmes qui se font defoncer 30 fois par jour a l’arrière des camionnettes par des queues differerentes. Ne banalisons pas ce qui ne l’est pas.

  5. Caubère est pitoyable lorsqu’il incite à l’indulgence envers les clients, au nombre desquels j’ai pourtant compté et compterai peut-être à nouveau un jour. Je ne doute d’ailleurs pas que je bâtirai alors un édifice argumentaire ad hoc pour justifier ma conduite, me trouvant ainsi tout un tas de « bonnes raisons » (le discours rationnel sert souvent de justification à une position purement dictée par les émotions/pulsions).

    Pour avoir longuement écouté plusieurs ex-prostituées, il me semble évident qu’il existe un déterminisme d’ordre psychologique à la prostitution « librement consentie » (lié à l’image de soi, au rapport à son corps affecté par des traumatismes pas nécessairement d’origine sexuelle). La prostitution figure par exemple dans la liste des conduites à risque liées à des pathologies telles que le trouble borderline.

    Certaines féministes ont tendance à dé-légitimer la parole de ces femmes (qu’elles désignent souvent de manière méprisante par le terme « filles »), en arguant qu’elles ne sont pas forcément les mieux placées pour porter un regard lucide sur un métier qui implique de fermer les yeux sur sa véritable nature (conséquences physiques et psychologiques énormes). Pour apporter de l’eau à leur moulin, j’ai effectivement pu constater comment un discours de type « je fais ce que je veux de mon corps et j’assume, c’est un métier comme un autre » peut se transformer radicalement quelques mois ou quelques années après l’arrêt définitif. Cette approche me pose néanmoins problème, dans la mesure où elle infantilise les prostituées (l’usage du terme « filles » n’est pas anodin), et que j’ai un peu de mal avec des pratiques consistant à faire le bonheur des gens malgré eux.

    En outre, il me paraît vain d’espérer tarir la demande tant que le contexte général des rapports hétérosexuels demeure inchangé. La prostitution me semble ainsi être une caricature d’une relation homme-femme traditionnelle, laquelle fonctionne sur la base d’un troc protection (affective, psychologique ou matérielle) contre l’octroi de services sexuels. En ne remaniant pas leur fonctionnement, hommes et femmes ordinaires constituent une société générant automatiquement des hommes convaincus d’avoir le droit de « posséder » une femme pour peu qu’ils s’acquittent d’une compensation matérielle ou symbolique (paiement de l’addition au resto pour établir la « valeur » symbolique de leur objet de désir, investissement paternel, protection contre la misère affective, rôle de tuteur ou de protecteur robuste, etc).

  6. @lucienjeunesse Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le fait que c’est toute la relation hétérosexuelle qu’il faut revoir si on veut que la prostitution ne soit plus aussi répandue.
    Mais je me suis fait le raisonnement suivant:
    Les différences de salaire homme-femme, l’accès difficile pour les femmes à un poste de responsabilités, tout ce qui fait que les femmes ne peuvent encore avoir une indépendance financière assurée ou qu’elle est en tout cas toujours moindre que celle à laquelle peuvent prétendre les hommes, jusqu’à quel point cela est issu d’une pensée archaïque et misogyne selon laquelle la femme, quel quelle soit, doit encore être dépendante de l’homme? Et jusqu’à quel point cette domination financière est maintenue parce qu’elle irait avec une sexualité où l’homme domine également physiquement ? On en revient à la prostitution ? Est ce que les hommes peuvent bander quand ils ne sont pas en position dominante ?
    Et si on m’avance que ce n’est pas possible, me justifiant alors tout à la fois, la prostitution et le maintien des femmes dans une position matérielle subalterne, en gros, si on me dit que c’est « biologique », comment se fait il que le plaisir féminin (je parle pour moi et ce que j’en ai pu comprendre en discutant avec mes copines) ne soit pas lié à la domination ? Ainsi, pourquoi le plaisir sexuel masculin prévaudrait sur le plaisir sexuel féminin? Est ce qu’on peut arriver à une sexualité autre plus à l’écoute des femmes et donc à une société autre?

  7. @ Lisa : ce sont justement ces schémas sexuels archaïques qui font qu’amha, même en brisant le plafond de verre à grands coups de burin, on ne parviendrait sans doute pas à une parité absolue dans les postes à responsabilité. Pour schématiser : dériver son épanouissement d’une réussite socio-pro maximale est pénible et risqué, nettement plus que de décréter que l’idéal réside dans la séduction d’un ou plusieurs partenaires (avec une éventuelle vie conjugale à la clef). Il faut donc avoir une ambition phénoménale pour tenter l’aventure, et chacun n’est pas naturellement enclin à développer ce trait de personnalité. Je crois que les hommes sont plus nombreux à le faire car il s’agit pour eux d’une nécessité : un rang social élevé décuple leur attractivité sexuelle, contrairement aux femmes de pouvoir perçues comme castratrices, agressives, peu compatissantes, autant de caractéristiques envisagées comme opposées à la « féminité ».

    « comment se fait il que le plaisir féminin (je parle pour moi et ce que j’en ai pu comprendre en discutant avec mes copines) ne soit pas lié à la domination »

    ==> J’ai le sentiment inverse, même si aucune étude statistique ne vient valider mon observation empirique. Je n’ai que très rarement croisé des femmes qui ne faisaient pas de la supériorité de leur partenaire masculin (matérielle, morphologique, temporelle, intellectuelle, ou d’autres critères encore qui émergent en fonction du vécu de la demoiselle et son origine socio-culturelle) un pré-requis au développement de leur désir, sans compter celles qui fantasment sur les « bad boys », une option sexuelle fortement légitimée culturellement (je me disais d’ailleurs que ce genre de psychopathe avait la particularité de cumuler les traits jugés « virils », tels que l’assurance, l’impulsivité, le charisme, etc). En outre, les femmes me semblent encore très nombreuses à entretenir des fantasmes de soumission. La pression sociale qui s’exerce sur le corps des femmes, avec cet impératif de désirabilité (la séduction est considérée comme l’une des fonctions naturelles de la féminité), générant des critères esthétiques rigides qui dévalorisent quiconque n’y correspond pas, contribue à l’auto-dépréciation des femmes et donc vraisemblablement au masochisme entre autres facteurs.

    Ceci dit, je ne suis pas certain que nos fonctionnements sexuels soient entièrement dictés par l’acquis, certaines études (liées justement aux préférences esthétiques, aux préjugés se rattachant à telle ou telle caractéristiques qui semblent identiques chez une multitude de peuples n’ayant aucun contact) me conduisent plutôt à penser qu’ils sont pré-disposés génétiquement puis validés par le contexte culturel. Autrement dit, je ne vois pas bien ce qu’on peut y faire, hormis sélectionner une lignée de socio-démocrates suédois anti-sexistes et leur laisser repeupler la Terre après extermination méthodique des autres peuples.

  8. @ Emma : ton commentaire est très choupinet pour mon petit ego. Mais malheureusement, je ne parviens à m’approprier ces idéaux que je ne fais que conceptualiser. Autrement dit, mon fonctionnement reste très vulgaire, raison pour laquelle il se pourrait que je reprenne un jour mon parcours de punter.

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