Obsédée

Je le jure, je le fais pas exprès, ca me prend comme ca, je contrôle pas, ca part de la plante des pieds et ca me remonte de l’intérieur, ca me ravage l’estomac, j’ai des fourmis dans les doigts de pied, j’arrive plus à penser, je t’écoute plus, tu peux parler, vas-y, continue, moi je suis plus là, j’ai envie de toi, je sais c’est pas normal, je dois être carrément obsédée, complétement détraquée, c’est pas le moment, c’est pas l’endroit, je doute que tu partages mon émoi, on est face à face en terrasse, autour y’a des gens, ils parlent eux aussi, mais aucun son ne passe, tout est décalé, ta voix devient plus lente, comme un 33 tour un peu rayé, je hoche la tête, je grogne un peu, pour faire semblant d’acquiescer, la vérité c’est que je te vois déjà à poil entre mes cuisses, ma main crispée sur tes épaules, cambrée, haletante et comblée, c’est mal, c’est pas bien, ca craint.

J’essaie de contrôler mes pulsions, je déteste me prendre des vents, je reprends en main la situation, je relance de dix et je demande à voir, un commentaire un peu intelligent pour que tu continues à parler, je me raccroche à ta conversation, je t’assure c’est pas simple, tes mains posées sur la table, j’ai envie de les attraper, de les coller à moi, de les emprisonner, quand tu me regardes un peu en coin j’ai envie de t’embrasser, de ces baisers mouillés et peu précis, qui partent de tes lèvres et qui arrivent sur ton nombril, je commence à rougir, tu penses que c’est parce que je suis gênée, que t’as dit quelque chose de mal ou que tu m’as embarrassé, je te laisse croire tout ça, je peux rien avouer, dire que j’en ai rien à foutre de ton parcours ou de ton boulot, tes emmerdes et la dernière blague qui t’a fait rire, ce qui m’intéresse c’est la taille de ta queue et la force de tes hanches, les grimaces de ton visage quand tu prends du plaisir, et si je rapproche mon pied du tien, c’est pas vraiment un accident, c’est comme un défi, si tu ne bouges pas c’est que j’ai raison, tu vas te lever, on pas partir, se planquer dans la cour derrière et faire des trucs complètement répréhensibles, les gens pourront passer, on s’en fout, on est occupés.

J’ai le cerveau qui travaille trop en ce moment, c’est peut-être hormonal, ils disent ça sur le net, c’est peut-être l’envie d’arrêter de fantasmer toute seule dans mon coin, repousser une nouvelle fois la barrière qu’on se met, ce qu’on peut faire ou pas, ce qui est acceptable et ce qui peut arriver, quand je rencontre des gens j’ai toujours ce truc dans la tête, pourtant je sais, c’est pas une date, on est pas là pour se séduire, on est pas là pour coucher, je montre rien, c’est enfermé dedans, rassure toi tu crains rien, j’ai encore quelques notions de bienséance, je t’attacherai pas pour te faire subir les pires atrocités, je te rappellerai pas et je te dirai rien, je reste avec mon scénario un peu dingue, mes envies déplacées, ce truc dans mon ventre qui s’agite et qui refuse de s’apaiser, mes doigts qui se baladent entre mes jambes dès que j’en ai l’opportunité. Tu deviens mon matériel à fantasme préféré, rangé entre mon prof d’histoire moderne et le sushiman du yaki d’à côté, je te ressors quand j’ai envie, t’es à ma disposition, j’ai enregistré ton visage et je le colle sur le corps de ceux que j’ai dans la tête, montage numérique cérébral, dans mes rêves je te demande pas la permission, parfois c’est toi qui fait le premier pas, parfois on parle même pas, en tout cas t’es d’accord et tu bandes pour moi, ce qui dans la réalité est un vœux pieu total, je suis trop pudique et complexée pour penser que ca puisse arriver.