Mauvais rêve

Je cours dans mon sommeil ca ne s’arrête jamais. Pourtant dans la vraie vie, on ne peut pas dire que je sois une athlète, le métro et les bus peuvent m’attendre, je ne suis pas pressée, je suis trop lourde pour risquer mes rotules dans des acrobaties sur béton, je ne cours pas et j’attends le prochain, sans culpabilité, sans remords. Dans mes rêves pourtant je suis essoufflée et transpirante, j’ai la gorge sèche et l’air siffle dans mes poumons, mes pieds frappent la route et se heurtent, le paysage défile à l’unilatérale, pas de troisième dimension dans ma nuit, les arbres et les immeubles sont aplatis et ridicules, il s’effacent devant ma course inexpliquée.

Je veux arrêter de courir mais je n’y arrive pas, dès que je ralentis ma course le fond du paysage s’effondre, il faut repartir, plus vite, plus fort, échapper aux éboulis et aux voitures incendiées, les apocalypses se multiplient, se collent à mes talons et dévorent mes semelles, je cours pour m’échapper et pour survivre, je ne sais plus pourquoi je fuis, je sais que la fin arrive, qu’au bout de la ligne droite il n’y a rien, pas d’effet d’optique dans la chute qui m’attends, juste la fin du bitume et de la civilisation, le dernier pas dans le rien et le son d’une pierre qui tombe dans le vide.

Je sens l’air frotter contre mon ventre, mes mains et mes joues, je descends dans le noir, parfois j’aperçois un couloir, mais tout va trop vite, tout est déjà joué, je tente de me réveiller, tu ne tombes pas vraiment, la fin du monde a le temps d’arriver, réveille toi putain, arrête de te laisser tomber, accroche toi aux parois, escalade, bats toi, rien ne marche, la gravité se moque de moi, tu es lourde et tu descends plus vite, c’est l’ironie finale, le dernier twist avant le crash, dans mon rêve je prends le temps d’en sourire, destinée à exploser je prends le droit d’en rire avant de m’abimer.