Plaie d’argent n’est pas mortelle

Mais quand même c’est emmerdant. Surtout dans le monde merveilleux des Internets, où tout est spam, sponsoring et marketing, chaque blog, chaque page, chaque site ou presque te donne envie de remplir ton petit panier en osier virtuel de goodies inutiles, le gloss qui repulpe et le panty qui amaigrit, la nouvelle collection Chmoozbery ou n’importe quoi en fait, juste envie d’acheter pour appartenir à la tendance, pour faire pareil, pour comparer, pour s’identifier. Y’a aussi juste les besoins naturels secondaires, comme s’acheter des fringues ou des sacs poubelles, acheter consommer jeter, l’envie frénétique qui te fait composer les 16 chiffres de ta carte bleue même quand tu sais que le paiement sera refusé.

Heureusement on peut encore faire des chèques, bénie soit la France, alors aujourd’hui j’ai claqué comme jamais, j’ai dépensé 27,83 euros chez Auchan, merci le découvert autorisé. Ce qui m’a ennuyé c’est de réaliser qu’on était le 5 du mois, et pas le 31, début de mois difficile, légère crise de panique, consultation magique du compte bancaire en 3G, énorme anxiété. J’ai plus qu’à sacrifier des poulets sur l’autel du Pôle Emploi, ca fait jamais que deux semaines que j’attends mon rendez-vous pour mon indemnisation, je pense sérieusement à y faire un happening, nue et couverte de facturettes de paiements annulés, avec un mégaphone et des tatouages tribaux dessinés au charbon, Germinal Represent ! Je me plains, mais t’as qu’à bosser aussi, connasse, qu’est ce que tu fous sur ton gros cul toute la journée, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, l’appétit vient en mangeant et les hippopotames ne sont pas les rois de la jungle, oui je sais, merci bien, pour la petite leçon de capitalisme appliqué vous repasserez, j’ai des “circonstances”, comme on dit dans le métier, j’ai des trucs à régler. Par exemple arriver à sortir de chez moi plus d’une demie journée. Ca peut aider pour bosser. Si la Cotorep reconnaissait l’agoraphobie, je serai la reine du pétrole, mes 800 euros et moi on danserait jusqu’à  l’aube en déshabillé de soie.

La bonne nouvelle, c’est quand même que je sois consciente de la situation et de mes capacités, avant j’acceptais n’importe quoi, Indiana Jones de l’emploi, plonge moi dans la merde et dans deux mois je te rendrai une usine de Canard WC profitable, claire et organisée. Mais j’voulais être cadre supérieure tu vois, je voulais traîner ma valise à roulette en déplacement, donner des ordres et monter des projections, j’voulais être une working girl, maintenant j’apprends, que mon bonheur est plus simple, qu’il réclame moins d’hypocrisie de ma part, moins de renoncements. Je voudrais juste que ca paie un peu, d’être heureux, c’est idiot, j’admire les gens qui bossent comme des cons et qui s’en rendent compte, qui pointent comme des abrutis et qui s’écrasent devant leurs supérieurs en pensant à l’Angleterre, ils savent pourquoi ils sont là, ils travaillent pour vivre, pas l’inverse, ils bossent comme des cons mais quand ils claquent la porte à 18h pile, ils se foutent bien de moi, la nana qui voudrait tout avoir, qui voudrait travailler de chez elle et être payée, juste parce qu’elle est pas trop conne, et qu’elle a oublié comment on fait pour aller travailler sans en crever.

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