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Pardon

J’en ai assez de te regarder mourir. 15 ans déjà. J’en ai assez de compter tes cotes, ton corps décharné contre le mien si plein, ça te rassure sans doute, tout ce gras, toute cette vie qui t’échappe, ça te réchauffe, mais ça ne te sauvera pas. Je ne peux plus te regarder partir à 2h du matin pour aller boire, je ne peux plus me demander si tu respires encore quand tu ne réponds pas, je ne peux plus m’inquiéter. Je ne supporte plus nos vies qui se croisent, ton rythme marche à l’envers, tu te réveilles quand je m’endors, tu m’écris des mots que je ne comprends pas, tu me voudrais dévouée, amoureuse, transie, mais j’ai peur, de toi, de la maladie. Tu me voudrais charnelle, tu es si froid, tu me voudrais sensuelle, tu es la mort quand je te serre contre moi. J’ai arrêté d’essayer de te sauver, j’ai arrêté de vouloir te soigner, ça ne fonctionne pas, mes bras sont trop faibles, mon amour si peu puissant face à la bouteille, mes mots se diluent dans la bière. Rien ne remplace la substance, rien n’est plus fort, tu retournes vers elle, je ne suis que la maîtresse.

Tu dis cette fois, c’est bon. Dans 10 jours, dans 20 jours, le mois prochain, à ton anniversaire, pour ta fête, quand j’aurai rangé, quand tu m’auras prouvé. Le temps se dilate, demain n’arrive jamais, les jours d’après sont les mêmes, je me tais. Je perds à l’ultimatum, mes supplications sont vaines, mes chantages inutiles, mes conseils malvenus, tu sais mieux que moi, tu ne lâcheras rien, tu dois décider, c’est ton problème à toi. Je m’informe, je lis, je propose, je glisse des brochures dans ta veste, et puis j’arrête, tout cela est vain. Tu crois tout contrôler, tu crois savoir, tu ne te regardes pas vivre, ton miroir est cassé, et tu refuses le reflet de mes yeux dans le tiens. Tu ne vois pas la couleur de tes yeux changer quand tu ouvres une 8.6, tu ne sens pas ta peau si fine qu’il me semble la transpercer quand je te caresse, tu ne contemples par la pâleur lunaire de ton corps quand tu dors. Si tu pouvais te regarder. Si tu pouvais t’aimer. Si tu pouvais te serrer. Si tu pouvais t’embrasser. Mais tu ne sais pas, tu ne peux pas. Et tu bois.

Mon amour, comme ces jours sont étranges. Nous faisons semblant, nous jouons notre partition, je suis passive-agressive, tu es incompris, je suis blessée, tu es endormi. Nous savons qu’il est temps, que nous ne tiendrons pas, que nous devons nous quitter, vivre ou boire, tu choisis, moi je sais. Et je ne te crois plus, et je ne vois pas demain, et je ne sais pas si tu arriveras, et je suis lasse. Et je ne sais pas t’aimer quand tu te laisses mourir, je suis égoïste. Et je ne sais pas t’aimer quand j’ai envie de te frapper, de rage et de colère, de désespoir et de misère.  Et je voudrais pourtant, être parfaite, poser des limites, respecter ton –problème-, te laisser gérer, ne pas être dans l’attente, ne pas vouloir que tu guérisses, t’aimer comme tu es. Mais je ne sais plus. Je ne veux pas te voir crever, c’est aussi simple, et tu crèves mon amour, tu te délites un peu plus chaque jour. La mort ne me fait pas bander, elle te rend laid, toi si beau, toi si parfait. Je me sauve. Pardon.

 

An island / A rock

Je cherche les mots pour décoder la beauté. Je cherche les adjectifs et les verbes les plus sincères et les plus clairs. Je cherche à dire ce que je ressens en moi, ce que je vois, ce qu’il se passe dans mon coeur, dans mon ventre, dans ma tête, mais ça ne vient  pas. Je suis trop mobilisée à ressentir, ma peau, mes ongles, mes yeux, il y a trop à faire pour réfléchir et ordonner, penser et classer. Je veux pourtant me souvenir des belles choses, alors je note, je chante, je commence des poèmes que j’ai honte de déclamer, je hurle que ma vie est exactement comme je la voudrais, que je suis enfin arrivée à être moi, et qu’il n’y a rien de plus exaltant, et que si demain est noir, j’aurai la force de m’être trouvée, à force d’en chier. Il aura fallu tout détruire, tout expier, il aura fallu te quitter, il aura fallu trancher les liens et les déclarer cassés pour toujours, il aura fallu apprendre à laisser partir, ouvrir les mains plutôt que de les refermer. Il aura fallu me battre, contre la petite voix qui me répète que je ne suis rien et que je n’y arriverai pas, qu’on est plus au chaud dans le moule des autres, il aura fallu prendre la ferme décision de m’aimer. C’est ma lune de miel personnelle, juste entre moi et moi même. Et je voudrais qu’elle dure, parce qu’on attire le bien en se le souhaitant, je n’y crois pas à ces conneries pourtant. Tout ira bien, même si. Tout est en ordre puisque j’habite enfin dans ma maison, j’ai investi les pièces de mon corps et de ma tête, pas de cartons qui traînent, de vieux dossiers à solder. J’assume pleinement, mes erreurs, mes envies, mes laideurs, mes passés. J’ai usé tant de temps à courir derrière quelqu’un que je n’étais pas, j’ai fait tellement d’efforts pour ressembler à celle que vous vouliez que je sois. C’est terminé.

Auprès de moi, dans la lumière, mes amies, mes soeurs de coeur, celles qui font battre mon sang plus fort, celle qui m’ont aimé malgré moi tant de fois, les très précieuses, les merveilleuses, merci. Pour la route partagée, pour les rires, pour les pleurs, pour les cris, pour les silences, pour la rage, pour la joie, pour ce qui viendra. Des amours, beaucoup, plein, des fidèles et des absents qui reviennent, des douceurs toujours, des découvertes, des neufs qui me font tant sourire que mes joues me tirent, des larmes qui me viennent au moment de jouir. Je suis aimée, et je chéris chacun de ces amours, je tente de les nourrir, des les entretenir, de les faire grandir. Je n’arrête pas d’apprendre, je n’arrête pas d’écouter. Je me nourris de vous, de vos histoires, de vos lumières, de ce que vous choisissez de partager, de vos stratégies subtiles pour m’acclimater. Je me laisse approcher, je n’ai plus peur, venez. Je n’ai plus besoin que les gens soient parfaits, je n’ai plus besoin de serments ou de promesses, j’ai besoin de vous pour les bonnes raisons, pas parce que je crains d’être oubliée. Et si tout cela paraît trop beau pour être vrai, si j’écris un évangile trop simple, pas assez miraculeux pour faire recette, tant pis. Il me va bien, il m’anime, il me transporte, il me protège, il me fait vivre. Je n’ai plus besoin de serrer le corps des autres pour me sentir exister, j’ai conscience de moi, enfin. J’ai besoin de vos rires, de vos colères, de votre tendresse, de vos histoires qui s’imbriquent dans la mienne pour ériger l’autel bancal de nos amours, j’ai besoin de votre peau, de vos odeurs, j’ai besoin de vos cerveaux qui tricotent dans le mien pour me faire avancer. Je n’ai -presque- plus peur d’être rejetée, ou de dire non, j’accepte de ne pas être choisie à chaque fois, je m’autorise enfin à refuser de l’être. Moi aussi, je peux choisir, je peux dire, je peux exister.

Je n’ai pas perdu mon temps jusqu’ici. Je ne regrette pas le chemin, les jolies choses, les ombres me semblent moins dures à présent. Je suis le résultat de ces années à me chercher, à me découvrir, à tester les limites de ma raison, de ma volonté. Je suis le produit de mes erreurs de casting, de mes raisonnements à faux, de mes coups de tête, de ma stratégie de l’échec. Je me réconcilie avec celle que j’ai été. Je me raconte mon histoire dans ma tête, et j’essaie de pardonner le personnage principal, elle n’était pas si mauvaise, elle a bien morflé. Je mets de la crème sur mes vergetures, je décore mes cicatrices de petits dessins naïfs. Je me ferai pousser des fleurs dans le vagin si je pouvais. C’est à ce point. Je célèbre le véhicule qui porte cette nouvelle douceur, je remercie les capitons, les os, mes pieds, de me porter. Oh, je suis dure encore pourtant, la douceur ne m’empêche pas d’hurler, de dire qu’il est très sain d’être en colère, d’alimenter mes révoltes, mon bonheur ne m’empêche pas de penser. Il rend ma peau plus épaisse aux injures, mon cuir est tanné, difficile de réussir à blesser quelqu’un-e qui sait profondément qui il-elle est. Tout glisse, rien ne pénètre en moi sans consentement, ni les bites, ni les mots, ni rien. Je suis une île à moi même, en auto-gestion totale, autonomie de pensée et de décision, et je suis décidée à le rester.

Les hommes violent

C’était le 8 décembre 2015, Luc Le Vaillant publiait ceci, je répondais cela. Et dans une diarrhée verbale née de mon illumination soudaine sur le rapport entre l’islamophobie et la culture du viol, je m’épanche de ceci : tous les hommes sont des violeurs potentiels. Je n’ai jamais appris à modérer mes tweets en fonction du média : Twitter est rarement un lieu de débat constructif. C’est peut-être la seule chose que je me reproche. Cette phrase méritait des explications, que je n’ai pas voulu/pu donner, noyée dans la haine, des exemples :

… et toutes les femmes sont des salopes aussi pfff .. pauvre connasse

Du coup, si tous les mecs sont des violeurs, toutes les voilées sont frigides ?

ma phrase aussi etait tte con , ac sa gueule aucun risque de viol bref bonne aprem mdr

Genre un homme daignerai te passer dessus ? Meme en etant sous exta j’pense il hésiterai

Fais toi soigner sale folle.

avec ton visage maudis la grosse pute sans âme

Comment ça elle a des bourrelets sur les joues & elle se permet de dire « ts les hommes sont de potentiels violeurs »?

toi voilée ou pas tqt pas que j’imagine rien de rien

hey toi franchement vue ta race de mort j’preferais que tu portes le voile a jamais

Voilà pourquoi j’aime pas les féministes … Les femmes aussi à ce moment sale chienne va

a meilleure protection contre le viol ? Etre moche et conne 🙂

toutes des putes

J crois pas que qui que ce soit oserais te violer toi

Si c’est toi sur ta PP tu peux etre rassurée le potentiel va vite descendre a 0 en ce qui te concerne.

c est la fille d hitler réouvre les camps mais tu mets des hommes à la place de juifs. Pas drôles sa vie de persécutée

Toutes les meufs sont des grosses génitrices de fils de pute potentielle ou pas?

Je ne te toucherais pourtant pas avec un bâton de 10 mètres de long, même sous la contrainte ou en échange de 10000€

En tout cas t’es pas une victime potentiel toi

Qd tu croise une feministe une salafiste et une truie

Faut être au bout de sa vie pour te violer @dariamarx T’es tranquille avec les musulmans, il touchent pas au porc.

J’préfère enculer un porc que ce truc !

tu peux m’enlever de ta liste, vu ta gueule ca risque pas d’arriver de sitôt

je préfère me branler que la baiser.

une telle vache avec son anneau s’éxpose au salon de l’agriculture.

Ah mon avis toi tu ne risques rien, Deal with it

Aucun mec n’oserait avec ta tronche, t’inquiètes.

Ferme ta grande gueule en chien de bite. grosse pute que tu es.

Ton papa doit être fier de voir sa fille dire des conneries pareilles. Lui le violeur potentiel

kestu raconte tu croi sa fai bander une racli pa consentante?

ca explique que tu soit un enfant de viol alors.

C’est parce que tu ne trouves pas de partenaires sexuels masculins que tu en veux à ce point aux hommes ? 🙁

Pour les féministes qui pratiquent les réseaux sociaux, rien de très étonnant. Le même bingo bullshit patriarcal et ordurier revient à chaque intervention concernant l’égalité hommes-femmes. Top originalité cette fois ci pour moi, les références à mon papa, comme si j’insultais ma propre identité en étant fille de violeur potentiel. Oui, mon père est un violeur potentiel. Comme le sont mes petits-amis, mes amis, mon comptable et mon dentiste. Je n’ai pas de problème à le dire et je ne me sens pas insultée dans mon identité génétique en l’énonçant. D’autre part, si je suis fille de mon géniteur, je suis aussi une personne à part entière. Et cet être subi les pressions d’une société qui dégueule de culture du viol. Je suis la fille de quelqu’un, mais ils sont plus inquiets pour la supposée réputation de mon père que pour le viol en réunion qu’ils me souhaitent. C’est aussi ca le sexisme.

Nous vivons dans une société patriarcale et genrée. Les hommes cisgenres sont élevés dans l’idée d’être « des hommes des vrais ». Un homme qui ne pleure pas, qui ne porte pas de rose, qui ne cuisine pas, et qui baise des meufs, ainsi les hommes représentent 97% des agresseurs sexuels. Nous vivons dans une société dominée systémiquement par les hommes : ils gagnent plus que nous, accèdent à des postes plus importants plus facilement, sont à l’aise dans l’espace public à notre dépend. Cette domination s’installe aussi dans les relations hommes-femmes : ainsi 1 viol sur deux est le fait d’un partenaire, et 58% des violences sexuelles ont lieu au sein du couple (source UNICEF – Association Stop Au Déni).Nous vivons dans une société patriarcale, hétérocentrée, ciscentrée, qui n’éduque pas les garçons à ne pas violer. Au contraire, on préfèrera enseigner aux filles à prendre des précautions pour ne pas l’être : ne pas rentrer tard, ne pas mettre de tenues vestimentaires jugées comme provoquantes, ne pas « aguicher » l’homme, se tenir dignement : croiser les jambes, ne pas faire de bruit avec ses talons. On ne dira pas aux  hommes d’avoir une consommation d’alcool raisonnable pour ne pas violer, on dira aux femmes de ne pas boire pour ne pas être une proie facile. La culpabilité des agressions sexuelles est portée par les victimes jusque dans le dépôt de plainte : on demande alors à la femme de préciser ce qu’elle aurait pu faire pour provoquer son agresseur, de décrire avec précision sa tenue vestimentaire. Notre société accepte ce constat comme vérité : les hommes violent, et les femmes se « laisseraient violer ».

D’autre part l’imaginaire du viol, documenté par des films comme Irréversible, laisse à penser que les agressions sexuelles ont toujours lieu dans des lieux propices aux mauvaises rencontres, à l’isolement ou à la consommation d’alcool ou de drogue. On imagine le viol dans un parking mal éclairé par un rôdeur, le viol en boite de nuit par un homme alcoolisé … Mais la réalité du viol est tout autre, comme l’expliquent les statistiques précédemment citées. Les viols sont d’abord commis par des familiers des victimes, et plus particulièrement par des compagnons. Les viols ne sont pas seulement des pénétrations vaginales forcées, mais comprennent les pénétrations avec les doigts, les objets, et les pénétrations anales. Un homme qui force sa compagne à une sodomie lors d’un acte sexuel originellement consenti est un violeur. Un mari qui pense qu’une signature au bas d’un contrat de mariage l’autorise à utiliser le vagin de son épouse comme il le veut sans son consentement est un violeur. Un petit ami qui obtient une pénétration vaginale sous la pression (je vais te quitter / je vais dire à tout le monde que) est un violeur. Un homme peut violer sans même savoir qu’il est en train de le faire, dans cette zone dangereuse où se rencontrer le manque d’éducation au consentement d’un partenaire et la peur / l’impossibilité / l’angoisse de dire NON de l’autre partenaire.

Je ne regrette pas mon tweet. Je continue à penser que les hommes sont des violeurs potentiels. J’espère qu’à force d’éducation, de pédagogie, d’interventions d’associations dans les collèges et les lycées à propos de sexualité, de parents qui élèvent leurs enfants dans les valeurs de l’égalité homme-femme, et peut-être d’un sursaut miraculeux du gouvernement et plus particulièrement de l’éducation nationale et d’un hypothétique véritable ministère du droit des femmes, la situation changera. En attendant, je continuerai de parler de viol, et à parler aux femmes de leur droit à dire OUI comme de leur droit à dire NON, de la possibilité de l’autodéfense. Je continuerai à penser qu’il n’y a rien de plus sexy qu’un consentement affirmé, qu’il n’y a rien de négociable dans le sexe, et que nos sexualités n’ont pas à être régies par la pénétration. Vous me pensez radicale, je me pense réaliste face aux menaces concrètes qui pèsent sur le corps des femmes.

Vous vous sentez attaqués dans votre orgueil d’homme quand j’énonce que vous êtes un violeur potentiel ? Faites le tour de votre histoire sexuelle, posez-vous les questions qui vous mettent mal à l’aise, consultez ces 100 questions sur le consentement, évaluez vos comportements quand vous êtes ivres ou sous emprise, interrogez vos ex partenaires. Remettez-vous en question.

Lettre à Luc Le Vaillant

 Monsieur,

Votre chronique du jour dans Libération est une insulte aux femmes, et plus particulièrement aux femmes musulmanes. Vos mots obscènes, la sexualisation à outrance de la femme que vous imaginez regarder, tout cela ajoute à la nausée collective que nous ressentons déjà tous-tes au lendemain du premier tour des élections régionales. Vous avez pris un plaisir voyeur et quasi-pornographique à décrire cette femme, qui ne vous a rien demandé. Vous avez projeté sur elle vos fantasmes, vos délires laïcards, sans vous inquiéter une seconde de ce que « la femme en noir » peut réellement vivre, ressentir, croire. Vous vous servez de votre plume pour lui coudre une veste de contention solide, dont elle ne pourra jamais s’affranchir. Vous enfermez cette femme dans vos préjugés et votre ignorance. Vous êtes responsable des regards mauvais, des agressions, des crachats, des appels au meurtre, des insultes, entendus par cette femme quasi quotidiennement dans les transports au commun. Vous êtes responsable de la sexualisation du corps des femmes dans l’espace public, puisque nous ne sommes à vos yeux que chair, « cuisses, bourrelet, fesses, seins ». Le journal Libération et vous-mêmes assurez ensemble la responsabilité de la diffusion de vos idées nauséabondes, de cette mare puante où croupissent la culture du viol et l’islamophobie, et d’où fleurissent les enfants déformés de vos haines, que nous retrouvons dans nos urnes.

Cette femme choisit librement de ne pas montrer son corps dans l’espace public. Est-ce donc cela qui vous rend si amer ? Vous aimez sans doute regarder les femmes, vous ne vous en privez pas dans votre texte, imaginer leurs formes, vous me direz sans doute que c’est « la nature de l’homme » ou que c’est un « réflexe de français ». Vous imaginez pour elle « une ceinture de chasteté explosive ». Que faut-il comprendre ? Que c’est sa volonté de chasteté qui vous fait exploser sans doute. Son vêtement, son foulard, vous signifie nettement que vous n’avez pas accès à une sexualité consentie avec elle. Vous choisissez donc de vous emparer de sa sexualité. Vous choisissez de sexualiser un individu qui refuse de l’être. C’est donc cela la liberté ? Imposer son désir ? Rangez vos érections de fond de wagon, vous ne trompez personne. C’est la liberté des femmes à choisir leur mode de vie qui vous agace. C’est le choix de cette femme, celui de rester modeste, et de vivre selon les préceptes d’une religion que vous ne comprenez pas, qui vous rend fou. C’est son refus symbolique qui prive votre cerveau de son afflux sanguin normal. Le foulard, le vêtement modeste, cet attachement à garder son corps pour soi ou pour un être choisi, ça vous fait bander, disons-le. Vous êtes sans doute parmi ces millions d’internautes qui tapent le tag #beurettes dans Youporn en secret. Le choix des femmes de s’afficher dans l’espace public comme refusant une quelconque intimité physique avec vous, cela vous frustre, cela vous excite, vous pervertissez donc leur image à la faveur de vos fantasmes sexistes.

Monsieur, après les attentats, vous nous encouragiez à nous « embrassez comme des pervertis » pour faire la nique à la mort. Permettez aux femmes, portant le béret, le foulard, la coiffe ou le crâne rasé, de choisir leurs partenaires de perversion. Permettez-nous de vivre sans nous soumettre à votre idée pleine de couille de ce qu’est la liberté. Ne nous permettez rien, nous en prenons le droit. Penser que vous soumettez les femmes, et plus particulièrement les femmes qui portent le foulard , à la double peine du sexisme et du racisme, et que vous n’y voyez aucun inconvénient, m’est insupportable. Penser que Libération pense qu’il est utile de relayer votre opinion au lendemain des élections m’abasourdit. Vous ne pourrez pas baiser toutes les femmes, Monsieur Le Vaillant. Même avec votre imagination. Même avec votre esprit. Vous ne pourrez pas deviner toutes nos formes, explorer tous nos corps. Nous ne le voulons pas. Nous ne sommes pas consentantes. Laissez-nous vivre. Laissez nous nous couvrir et nous découvrir comme nous le souhaitons. Laissez nous donner du sens ou pas à nos vêtements. Laissez-nous croire, laissez-nous boire. Cessez de penser que vous comprenez les femmes, musulmanes ou juives, en mini-jupe ou en jean. Vous ne comprenez rien. Ni aux discriminations terribles qui pèsent sur les épaules de mes sœurs musulmanes, ni sur les oppressions subies tous les jours par les femmes de toutes confessions ou mode de pensée. Vous êtes un homme cisgenre blanc typique. Il y a vous et votre bite. Ne parlez donc que de cela à l’avenir.

Vendredi

Depuis vendredi soir je mets plus de noir sous mes yeux, je n’en mettais plus, ça faisait trop noir, trop grunge peut-être, depuis vendredi je remets du noir. Pas pour le deuil, pas pour poser un voile sur mes pupilles, pas pour me faire belle, je pose un trait noir et épais sous mes yeux, entre le mouillé et le sec, pour me donner de la force. C’est rien, quelques grammes de fard que personne ne remarque, je ne fais pas dans les grandes messes publiques, pas de déclaration de guerre ou de selfie à la tour Eiffel. C’est assez pour me redonner envie d’être dans la rue, d’habiter les terrasses et d’appeler des amis, c’est assez pour me permettre d’accéder à ma colère, la laisser sortir, cette boule qu’on transforme en angoisse depuis quelques nuits, arrêter sa production nette, m’ouvrir le nombril et laisser mon ventre hurler la rage, l’injustice et la peine. Mon visage n’a pas changé depuis vendredi, pas de nouvelle ride ou de cheveu blanc, ma biologie n’est pas assez spontanée pour marquer à jamais ces massacres dans ma chair, je les ajoute donc à la main, je peins à mes yeux les horreurs des autres pour qu’elles me servent, pour ne pas oublier d’avoir envie, pour ne pas laisser gagner le rouge et le violet sur les chairs vivantes, chanceuses, elles. Je n’oublierai jamais novembre, pas besoin de rappel sur mon calendrier, cette nuit brûle dans mes viscères, paquet de merde purulent et infecté qu’on voudrait expulser mais qui ne nous quitte pas, je suis malade de novembre pour le reste des mois de toutes les années.

J’ai envie d’aimer, mais j’ai aussi envie de me battre, je suis coincée entre ces deux énergies, il faudrait pouvoir frapper ceux qu’on aime pour s’assurer qu’ils sont vivants, faire couler le sang pour permettre aux blessures de se refermer, je vous vois, blessés invisibles, comment réparer ce qu’on ne comprend pas, ce qu’on ne voit pas. Pas de pansement pour les yeux, juste un peu plus de noir, sous les paupières ou sur les bras, on nous enlève nos droits à la manifestation même de nos deuils, nous sommes légalement condamnés à l’individualité. Il faut donc se contenter de serrer les proches et les moins proches, la mort jamais loin, cercles concentriques de l’horreur, novembre, barre toi. Et puis s’aimer fort, n’importe comment, dans les draps, contre le sol, s’aimer les doigts enfoncés profonds dans la chair tendre, chaude, mouillée, sentir la vie sur sa langue et se réjouir des spasmes de l’autre, se donner la vie dans des baisers qui n’en finissent pas, perdre le souffle et s’en foutre, nous ne mourrons pas, nous pouvons nous asphyxier de peau, nous pouvons choisir d’avoir mal, les doigts serrés, les pincements et les cris, nous sommes libres de continuer à nous distraire, puisque la mort guette et qu’elle ne s’en va pas. Il me semble qu’il est urgent d’être simple face à tout cela, qu’il est urgent de dire l’envie, le manque, l’amour ou son opinion, qu’il est urgent de se compter, unis face à la déferlante de ceux qui voudraient penser pour nous. Se compter, comme vendredi, recensement des aimés, et même des autres, même nos pires ennemis, nous les voulions sains et saufs.

Je ne sais pas ce qui viendra. Il y aura d’autres semaines, il y a aura d’autres mois. Il y aura des concerts, des anniversaires, des fêtes. Des gens tomberont malade, d’autres guériront. Les tragédies individuelles se mêleront à la grande histoire de ce vendredi là. Je sais que je ne suis plus la même, je sais que nous avons tous changé. Nous sommes irradiés de peine, de l’épicentre aux frontières du monde, le nuage ne s’arrête pas aux frontières, rien n’est pareil. Il aura fallu que ca se passe près de chez moi, presque sous mon nez. Il aura fallu le sable et le sang sous nos chaussures pour que nous prenions conscience de l’horreur du monde. Le Nigeria était bien loin, la Syrie presque fantasmée, ça n’arriverait pas chez nous, jamais. Il faudrait que nos nombrils explosent et nous relient par le sang au cœur du monde. Qu’on comprenne enfin, ou qu’on ressente, au moins. Nos corps nouveaux peuvent apprendre à aimer plus loin que nos quartiers. Je ne voudrais pas perdre ma bienveillance, je voudrais la multiplier. Je voudrais apprendre, je voudrais tout lire, je voudrais voir, je voudrais entendre, profiter d’être vivante pour fluidifier les ondes, apporter du bon, aller vers la beauté. Je voudrais que vendredi soit loin, qu’il soit un mauvais rêve, qu’il soit possible de tout recommencer, depuis des centaines d’années, pour ne pas le laisser arriver.  Je ne peux rien changer. Juste moi.

Celui qui voulait boire mon lait

Je suis en terrasse, la nuit tombe, il fait encore bon, je suis avec ma meilleure amie, la vie est douce. J’échange quelques regards avec un mec pas trop mal, sans doute calfeutrant une calvitie sous bonnet, il s’en va. Et puis il revient. Se poste à ma hauteur et m’explique qu’il a décidé de vivre sa vie comme une comédie romantique, et qu’il ne veut pas passer à côté d’une belle rencontre, que je suis cette belle rencontre, et qu’il faut qu’on se donne une chance, et pourquoi pas prendre un café et apprendre à se connaître. Ok. Joli. Je donne mon numéro. On échange quelques textos. Il bosse dans la musique, il veut me faire écouter des trucs, passe donc à la maison, euh, non merci, j’ai une petite alarme dans la tête, un café, dehors, d’abord. On prend rendez-vous, il a tellement hâte de me revoir, et moi j’ai hâte de connaître la suite du romcom. Je chausse mes habits de lumière et me pare de mon plus beau trait d’eyeoliner, il faut donner sa chance au produit. On doit se rejoindre sur le parvis de Beaubourg, je trouve ca à moitié joli à moitié nul, ça m’évoque mes rencards d’ado devant le Quick de la place carrée, ok.

On se retrouve, et il me propose d’aller chez lui. Euh. Non. Merci. Il m’explique que c’est vraiment pas loin, qu’on sera bien. Porte des Lilas quoi. Pas loin de Chatelet. Euh. Non non, merci. Un café ou je me casse, le deal est clair, et j’ai déjà envie de me barrer. Il me reproche de pas être très fun, pas très flexible, de ne pas me laisser tenter par l’inconnu. Ca part mal cette histoire, très mal. On finit quand même dans le premier café venu. La discussion s’engage sur le féminisme, il va passer quarante minutes à m’expliquer que les femmes se victimisent, un peu comme les enfants victimes de pédophilie. Parce que l’univers ne nous envoie que la réponse à notre énergie. Et que si notre énergie est négative, on va attirer des choses négatives. Et que donc les femmes, et les enfants abusés, envoient de mauvaises énergies, et se font donc baiser par le karma. Les victimes sont responsables de leur énergie, tu vois. Non. Je ne vois pas. Mon vagin se referme en mode piège à loup, il se dessèche façon morue salée, c’est mort mec, même en levrette avec un sac sur la tête, en imaginant que c’est Seth Rogen, je te laisserai pas m’approcher. Le choix est simple, je me lève et je me casse, ou je mets 10 balles dans la machine pour voir jusqu’où ce mec peut aller. Je pose donc la question qui tue, mais en fait, pourquoi tu m’as abordé ?

J’aurai pas du putain.

En fait, il a un fantasme particulier. Il possède chez lui un tire lait. Et dès qu’il m’a vu, il a imaginé m’harnacher du dit appareil pour stimuler mes glandes mammaires, dans l’espoir fou qu’elles puissent produire du lait. Du faux lait maternel de femme pas enceinte, substance hautement érotique pour lui, qu’il aimerait téter à la source, voire plus si affinités (insérer ici des descriptions graphiques d’actes sexuels charmants mais rendus ignobles par l’ajour de lait materner dans l’équation). La lactation indue, ouais, j’ai lu des trucs là-dessus, je sais que ca fait partie de l’univers fantasmatique de certain-es, pourquoi pas, mais c’est vraiment pas ma came, et surtout pas avec lui, je décline, polie. Il insiste. Il fréquente plusieurs femmes « aux seins nourriciers », il lui arrive de passer des journées entières à se nourrir uniquement de leur « nectar divin », il est sûr que je lui assurerai une production « de grande qualité ». Non, non, non. Au secours. Partir. Heureusement il part pisser. Je jette 5 balles sur la table, je baisse la tête pour récupérer mon casque, il est déjà revenu. Il me gaule en plein départ, ses yeux se voilent. Et il me dit « bon, ok, j’ai bien senti qu’on accrochait sur rien et que je te plaisais pas, mais on peut au moins baiser non ? ». Non.

Make A Wish France – Discrimination psychophobe

C’est l’histoire d’une bénévole dans une grande association à renommée internationale, Make A Wish, l’organisation qui réalise les rêves des enfants malades en leur offrant des voyages, des rencontres avec leurs idoles etc. C’est l’histoire d’une meuf qui va aider cette association pendant une année, sans rien attendre, qui va aller sur le terrain avec les enfants malades, qui va passer ses journées libres à faire de la paperasse dans les bureaux parisiens de l’association. C’est l’histoire de mon amie, qui a du coeur et envie d’en donner à ceux qui en ont besoin, et qui le fait pour rien, juste parce que c’est ce qu’elle croit juste. Au bout de cette année de travail, un poste se libère dans cette association, un petit CDD de remplacement, on lui fait comprendre qu’elle serait la bienvenue, elle postule, et décroche le contrat. Elle se fait accompagner par le Pôle Emploi pour disposer d’un contrat aidé, tout est balisé. Et puis mon amie a un accident de la vie, un truc moche et triste, qui la plonge dans un état dépressif, elle east hospitalisée. Elle culpabilise de faire faux bond à l’association, elle les tient au courant de son état, de son traitement, elle recevra des encouragements de la part de l’équipe. Ce n’est pas grave, ca arrive à tout le monde, voilà ce qu’on lui dit, personne ne t’en veux, reviens quand tu veux.

Alors mon amie se soigne, et elle va mieux, et elle reprend contact avec l’association. Un remplacement de congés maternité s’ouvre bientôt, on lui en parle naturellement, elle connait le travail, elle connait l’équipe, elle a déja passé avec brio un entretien, ca semble bien parti. Elle rencontre la personne à remplacer chez elle, dans le cadre privé, elle est rassurée, personne ne lui en veut d’avoir été malade, le passé c’est le passé. Elle postule, officiellement, elle passe des coups de fil, tout le monde est enthousiaste, on étudie avec plaisir sa candidature. Elle attend. On lui dit qu’on suspend le recrutement pour le moment. Et puis cet après-midi, coup de fil de la responsable RH. Mon amie ne sera pas reçue en entretien, on ne prendra pas en compte sa candidature. Parce qu’elle est malade mentale. Parce qu’elle est donc peu fiable. Parce qu’on ne peut pas lui faire confiance. Parce que les gens ne se sentent pas à l’aise de travailler avec quelqu’un qui a connu un épisode dépressif. Comme ca, de but en blanc, un coup de fil assassin, pas toi, tu n’es plus digne de notre intêret. Il faut qu’on reprenne à 0, voilà ce qu’on lui dit, tu dois faire les preuves de ton équilibre, tu dois nous montrer que tu vas bien. Mais tu peux quand même travailler pour nous gratuitement, venir bénévolement, on a des urgences d’ailleurs. Mais pour te payer, ah non. On ne paye pas les malades. On en veut pas dans l’équipe.

Je voudrais dire que je suis étonnée, mais je ne le suis pas. C’est la discrimination. C’est de la psychophobie. Réduire quelqu’un à sa maladie mentale, s’en servir contre elle, balayer d’un coup de fil tous les efforts et toutes les compétences d’une personne, à cause d’un accident de la vie. On alimente tranquillement les clichés autour de la maladie mentale. Nous serions, nous les malades, des incompétent-es, des gens peu stables, des menteurs, des resquilleurs, des affabulateurs, comment embaucher quelqu’un de malade ? Nous ne sommes pas des battant-es, de vaillant-es cancéreu-ses qui défient la mort. Nous sommes des malades dont on a peur, et qu’on éloigne des autres. Des gens qui doivent sans cesse faire leurs preuves, prouver qu’ils vont bien. Pourtant un employeur n’est pas psychiatre, n’est pas médecin du travail. Il n’est pas là pour juger de notre ré-adaptation à la société, il n’a pas à juger de notre santé mentale. Il doit évaluer nos compétences pour une tâche donnée, et nos aptitudes à nous adapter à une équipe, à une organisation de travail. Mon amie est en guérison, elle va mieux, tout son entourage médical l’encourage à retrouver du travail. Mais Make A Wish sait mieux qu’eux. Make A Wish France ne s’embarasse pas de lois, de la HALDE, ou d’autres pinettes, l’association se veut « franche et honnête ». On ne travaille pas avec les gens qui ont subi une maladie mentale. Bam. Mais on veut bien qu’ils viennent faire des photocopies et du café gratos. Ca, ca passe.

Je voulais écrire ceci pour soutenir mon amie. Pour dénoncer la psychophobie. Pour expliquer pourquoi il est encore aujourd’hui difficile d’assumer ouvertement nos maladies mentales, quelques soient leur degrés d’handicap dans nos vies. Parce que des employeurs, des soignants, des proches, des institutions, nous font payer le prix de nos défaillances chimiques. Parce que qu’un schizophrène est un meurtrier dans tous les titres de la presse. Parce qu’une dépressive est quelqu’un de nocif pour Make A Wish. Parce qu’une bipolaire est ingérable, pas facile à manager dans une entreprise. Nos maladies ne se voient pas, elles ne s’expriment souvent qu’en temps de crise. Nous survivons le reste du temps pourtant. Nous nous battons, contre nous et contre vous. Et nous allons bien, souvent. Nous travaillons, nous contribuons à la société, nous aimons, nous militons, nous vivons. Et vous n’avez pas le droit de nous en empêcher à cause de votre ignorance et de vos préjugés.

Baisable, baisée

Depuis ma trop récente séparation, j’essaie de savoir si je suis encore baisable. C’est pathétique. Je cherche dans les clins d’oeils, dans les pokes, dans les sms quelque chose que je ne trouverai pas. Je creuse la faille de San Andreas de mon ego à chaque fois un peu plus. Au lieu de me rassurer de l’attention circonstanciée des pénis qui me sollicitent, je me sens seule et moche dans mon slip. C’est ca ma vérité du moment. Je ne suis pas une célibattante ou une autre connerie de périphrase inventée par les magazines féminin. Je suis une meuf un peu triste qui cherche à se distraire, mais qui n’y parvient pas. Je suis une meuf un peu assise sur son cul à se demander ce qu’elle fait là. Je prends conscience du violent chemin qui me sépare de moi. De ce qu’il va falloir soulever de montagnes de peine, broyer, digérer, jeter. Je m’aperçois du vide terrible juste à côté de mon gras. Ce vide qui était tout comblé de lui, quand il était là, même mal, même pas. Je tente de m’étourdir, je m’inscris sur un site, je réponds 3 fois, je supprime mon profil. Je swipe droit des abrutis qui taperaient dans une vache morte si ils en avaient l’occasion, un trou avec de la viande morte autour, voilà ce qu’ils me renvoient.

Ca ne me rassure pas de savoir que mon vagin est potentiellement pénétrable par beaucoup. Ca ne me rassure pas de pouvoir baiser quand je veux. Ca ne me plait pas d’être sollicitée pour la taille de de mes seins ou de mon cul. Ca ne me rassure pas qu’on me propose de me rejoindre à 3h du mat pour finir une soirée. Ca ne me fait pas envie non plus, passé le rictus débile de la nana qui pose un trophée sur sa cheminée. Lui, je pourrai l’avoir. Si je voulais. Je pourrai me vanter d’avoir attiré entre mes cuisses ce très beau mec qui ne m’assumerait jamais dehors. Super. Quelle chance vraiment. Que de vide. Quel néant. Je suis cette meuf un peu triste qui sait que des milliers de bites ne la rempliront pas. Que faire bander c’est facile. Ca n’engage à rien. Sans prise de tête en 5 à 7. Je connais le refrain. J’ai pas envie de jouir. Pourtant je vais chercher de l’attention. Pourtant je me laisse draguer, des mots, copier-coller, les mêmes à moi ou à Patula87, discussion automatique, tu fais quoi, t’es d’ou, tu cherches quoi, t’aimes quoi, t’avales. Next. Après quoi on court. Je ne sais pas ce que ca fait de pénétrer une meuf triste un peu vide. Même avec beaucoup de plein autour. Est ce que c’est pareil ? Est ce que sa chatte se serre sur ta queue quand même ? Est ce qu’on se laisse baiser, étoile de mer, penser à autre chose, prier qu’il ne reste pas après, se laver. Pourquoi je cherche à me remplir de vide, pourquoi je n’accepte pas le temps du rien, pourquoi chercher encore à exister dans le regard ou dans les bourses d’un inutile, d’un mec dont je ne saurai rien ? Allumeuse, tu promets, mais tu n’écartes pas, tu dis que tu ne veux pas, mais tu te laisses compter fleurette, sale garce vide et moche, qu’est ce que tu cherches ? Je les méprise, ceux qui voudraient se masturber dans mes chairs. Tu crois te taper un quintal de salope chaude comme la braise, tu rentres dans rien, ta queue s’émiette.

Je vais arrêter de me laisser solliciter. Arrêter de faire danser le vide. Je ne suis pas là. Regarde. Je ne suis pas là. Pas là, pas à attraper, pas à soumettre, pas à enculer, pas à doigter, pas à pénétrer. Tu crois que c’est plus facile de baiser de la grosse ? Qu’on s’échappe moins vite ? Le truc c’est d’arrêter de vivre dans son corps. De s’en foutre. Alors attrape moi, enfonce ta bite. Elle ne sera jamais assez longue pour me ramoner le crâne. Size does matter. Désolée. Ca sera le 18eme lapin, ca sera le 67eme correspondant bloqué, ca sera la 4eme experience gonzo-sociologique de la valeur de mon cul sur le marché. Toujours les mêmes cycles, les mêmes sites, les mêmes pseudos stupides, s’inventer une vie pour éviter de se souvenir de la sienne, qui je suis aujourd’hui, qu’est ce que je voudrais être, tout ceci ne compte pas, tout ceci n’a aucune importance. Je n’existe pas et ceux à qui je parle n’existent pas non plus, ils pourraient être des robots, ils pourraient être personne. C’est moi que je cherche dans cet amas de merde. C’est moi que je veux attraper, au milieu de la mort du reste.  Je me tape de la théorie du sexfriend, du PQR, de la relation libre, des codes ou des rites qu’on voudrait m’apprendre, je n’ai pas envie d’être éduquée, je veux rester sotte. En union de prière avec moi même. En totale autarcie sexuelle. Peut-être qu’un jour je rencontrerai quelqu’un de plein, qui n’aura pas besoin de me remplir pour se sentir exister. En attendant, j’arrêter de chercher.

Féminisme(s)

C’est quoi le féminisme ? C’est tout et c’est nawak. Ca part d’une idée simple : l’égalité entre les hommes et les femmes. Et puisqu’on parle d’hommes et de femmes, ca s’intéresse aussi à ce qu’on comprend quand on prononce ces mots. C’est quoi une femme ? C’est quoi un homme ? Comment ca se construit ? Comment ca s’éduque ? Le genre, désolée du gros mot. La fin des discriminations genrées. Et puis, fort heureusement, parfois, ca croise d’autres luttes, ca rencontre d’autres militant-es, ca prend en compte les autres discriminations subies par les femmes déja opprimées par le sexisme systémique, pour en citer quelques unes : le racisme, la transphobie, l’homophobie, la psychophobie … Bref. Ca a l’air super cool, on lutte toustes pour la même chose, sortez les cotillons et résonnez musette. On devrait, sans doute, au nom de la grande sororité de genre, pouvoir passer au dessus de ses agacements, de ses revendications, présenter un dos uni et lisse à l’adversaire pour qu’il puisse mieux nous battre. Dans la réalité c’est impossible. D’abord parce que la conscientisation féministe s’opère souvent de manière radicale : je ne vais pas vous refaire le coup de la pilule bleue de Matrix, mais il est souvent impossible de se remettre du caca dans les yeux pour plaire à machin ou à truc, pour enrober son discours de sucre. Ensuite parce qu’avec cette épiphanie féministe arrive souvent la découverte de choses qui révoltent, qui te tordent le bide, qui te font pleurer : plus tu en sais, plus tu en sauras, plus tu veux en savoir, comme pour te brûler un peu plus la gueule, pour ne jamais pouvoir oublier, pour refuser de rentrer dans le rang. C’est sans doute pour tout cela qu’on nous qualifie facilement d’hystéros. Oui, on est au taquet. Non, on ne lâche rien. Ni sur l’humour, ni sur l’avortement, ni sur les tâches ménagères, ni sur le plafond de verre, ni sur la précarisation, ni sur les sans papières, ni sur le viol, ni sur l’accès aux soins, ni sur le harcèlement de rue, ni sur la liberté sexuelle, ni sur le droit de s’habiller comme on l’entend, ni sur la lesbophobie, bref, tu vois le truc, y’a tellement de clous rouillés qui maintiennent les femmes en place depuis des siècles qu’on se déchaîne un peu sur la pince.  La question d’après, celle qui me fâche en ce moment, c’est pour qui devient on militante féministe ? Pour soi, bien sur, parce que ca fait du bien, parce que ca « empuissance », parce que ca libère, parce que ca redonne envie de sortir la tête des épaules. Et puis aussi parce qu’on affirme la place des femmes dans la société en s’identifiant clairement comme féministe, en partageant ses réflexions. Dire clairement à l’usine, au bureau ou en famille qu’on est féministe, c’est déjà provoquer la conversation. Et ce n’est pas toujours facile à gérer. Mais si on peut, si on a le luxe de pouvoir le faire sans craindre pour son intégrité physique ou mentale, ca peut valoir le coup de le tenter. Pour jauger le sexisme qui vous entoure déjà, et puis pour faire parler. Le contre coup du féminisme, si tu es une femme hétéro, c’est que tu vas devoir réapprendre ton rapport aux hommes dans la séduction et dans la relation. Tu vas devoir expliquer ce que tu ne veux pas ou plus. Tu vas devoir être moteur du changement. Parce que ton mec, oh well. Disons sobrement que les mecs n’ont que peu d’intérêt concret à la progression de la cause féministe. Et qu’il va d’abord comprendre qu’il va devoir plus faire la vaisselle et plus s’occuper des gamins avant d’accéder aux révélations anti-sexistes. Ca sera peut-être long. Ca sera sans doute douloureux. Ca vaut le coup. Pour toi. Mais tu l’as compris, il n’est pas confortable de se proclamer féministe, socialement ou intimement, ca remue.

Quand tu t’es avouée à toi même et à tes proches que oui, tu croyais en l’égalité hommes-femmes et que tu voyais vraiment pas pourquoi on te refusait la stérilisation volontaire à 31 ans parce que non, t’es bien sure, tu veux pas de mômes, tu vas avoir envie de discuter avec des gentes qui pensent comme toi. C’est normal. Ca fait du bien de se retrouver dans un espace de parole où tu n’es pas sans cesse remise en question. Ca fait du bien de pouvoir poser son masque de combattante dans un endroit safe, et de trouver des solutions, des motivations, des informations, auprès de gentes concernées. Et puis tu vas avoir envie de -faire du féminisme-, pas comme on fait de l’escrime ou de l’équitation, parce que ca te prendra aux tripes, que ca sera plus qu’un hobby, ca te réveillera même peut-être la nuit. Alors tu vas chercher le meilleur endroit, l’association, le collectif, le groupe, l’initiative qui te ressemble le plus. Tu vas croiser un peu de tout. Le paysage du féminisme en France est large, un peu chelou aux extrêmes, et carrément agaçant quand t’as une idée claire de ce que tu cherches. Il faudra te poser des questions. Qu’est ce que tu peux apporter ? Qu’est ce qui te motive le plus ? A qui veux tu t’adresser ? Tu voudras tout faire. La manif contre le viol et l’atelier sur le consentement actif, le groupe de parole sur le foulard et la rencontre avec cette autrice féministe, tu traîneras sur Demosphère à la recherche de nouvelles activités, tu voudras tout apprendre, tout rencontrer, tout connaître. Et puis ca t’épuisera. Alors tu feras un break. De trois heures. Et tu recommenceras. Et tu devras répondre à ces questions : mon féminisme est il abolitionniste ? mon féministe est il psychophobe ? mon féminisme est il blanc ? mon féminisme laisse t il la place aux femmes trans ? mais surtout à qui s’adresse mon féminisme ? Aux hommes ou aux femmes ? Aux dominants ou aux dominée-s ? Est ce que je suis convaincue que la pédagogie féministe sauvera le monde, et permettra aux hommes dominants de changer leur coeur et de marcher vers la lumière ? Est ce que j’ai envie de me concentrer sur des actions par et pour les femmes ? Est ce que je souhaite faire des compromissions pour que mon message soit mieux entendu ? Est ce que je pense que l’objectif justifie tous les moyens de communication ? Quel est le fond de ton engagement ? Quelle est sa forme ? Rassure toi, tu peux changer d’avis en cours de route. Tu peux, (tu dois), te remettre en question, souvent. Tu peux t’apercevoir que tu as choisi les mauvais-es compagnon-nes de lutte, tu peux t’apercevoir que c’est trop dur ou trop chronophage, tu peux arrêter un peu, tu peux reprendre 23 fois. C’est normal et légitime. Tu rentres en féminisme avec toute la force de ta conviction, toute l’énergie de ta volonté à aider et à t’aider toi même. Tu te rendras compte que tu as le luxe d’être une militante. Que des milliers de femmes n’ont pas ce luxe, n’ont pas accès aux ressources, n’ont pas le temps, n’ont pas la disponibilité, ne veulent pas risquer de se mettre en avant ou de s’exprimer. Ca te fera honte d’en être encore là. Ca te donnera encore plus envie de gueuler parfois. Tu te rendras aussi paradoxalement compte que militer pour l’égalité des droits et contre le sexisme n’est pas un luxe mais une urgence absolue. Tu vivras avec ces contradictions. Et ce qu’elles révèlent en toi.

Tu vas t’énerver. Beaucoup. Peut-être que ta colère passera, et qu’elle te permettra d’accéder à un autre état de conscience ou je ne sais quoi. Si t’es comme moi, ca n’arrivera pas. Au pire tu fatigueras. Mais ton potentiel d’agacement va se démultiplier. Parce que tu vois. Parce que tu constates. Parce que tu te heurtes. Au sexisme systémique. Aux mecs dans l’espace public. A la publicité. A la télévision. En politique.  A ton mec. A tes potes. Aux autres meufs aussi. A celles qui refusent l’idée des axes de domination. A celles qui ont tellement bien intégré la misogynie rampante qu’elles deviennent les pantins volontaires d’un système pourri. A ton incapacité de changer les choses pour celles qui ne peuvent pas être féministes parce qu’elles en craignent trop les répercussions. Aux autres féministes, celles qui refusent les droits aux travailleur-ses du sexe, à celles qui refusent de croiser les luttes, à celles qui te reprochent d’être proxénète, pute ou mac. Tu deviendras parfois une caricature de féministe. Tu t’emporteras pour une énième blague. Tu ne sauras pas laisser pisser. Ca te bouffera, mais tu ne pourras pas t’arrêter. Tu perdras ton temps. Tu arrêteras d’être consensuel-les ou pédagogue. Enfin moi, j’ai arrêté.  Peut-être que toi, tu y arriveras. Moi je me radicalise. Ca fait peur ce mot. Je sais. Je n’ai pas appris à arrêter de desservir ma cause dans les yeux du public non averti. Je crois toujours que le sexisme ne disparaîtra pas en lui chantant des chansons ou en pactisant avec lui, mais que c’est pas la force que les femmes obtiendront le respect puis l’égalité. Je ne parle pas de mettre des pains à Orelsan. Je parle de la mise en oeuvre d’un rapport de force. D’une pression sur les dominants. D’une surveillance de chaque instant. Je parle d’éduquer les femmes, de leur permettre d’accéder à des outils simples de compréhension et de détection du sexisme et de l’oppression. Je parle d’espaces non mixtes, où la parole se libère sans crainte, où les petites épiphanies peuvent se laisser éclore. Je parle de la généralisation du consentement actif à tous les aspects de la vie, apprendre aux femmes à dire OUI ou NON  à leurs médecins, à leurs enseignants, à leurs curés, à leurs amant-es, à leurs employeurs, leur donner les ressources nécessaires pour appréhender les conséquences de leur consentement, les accompagner. Voilà, ce sont mes ambitions. Voilà mon féminisme. Quelques phrases seulement pour un programme immense. Il m’aura fallu des années pour en arriver là. Des années à dire des conneries. Des années à refuser de me rendre compte que je faisais aussi partie du problème, des années à m’éduquer, à utiliser d’autres mots, à m’ouvrir, à sortir de mon éducation. Et je n’ai pas fini. Et je doute. Et je me sens souvent conne. Et je peux dire sereinement aujourd’hui que le reste ne m’intéresse pas. Qu’il y a d’autres féminismes. Certains me font gerber. Certains me renforcent et m’encouragent. Certains donneront même l’impression d’être efficaces. Certains le sont.  Je ne crois pas dans la sororité des militant-es féministes. Je ne crois pas à la sororité. Je crois au rassemblement des dominé-es concerné-es par leur survie. Je crois qu’on aide mieux quelqu’un-e quand on a soi même rencontré un problème, qu’on a réfléchi. Je crois à l’entraide féministe. Je crois à la bienveillance éclairée et à l’exigence.

(Quand j’emploie femme dans l’article, j’entends femme cis ou trans, sans distinction particulière sauf précision)

L’humour, Bloqués, et les mouches

Longtemps j’ai cru qu’il y avait deux conditions pour qu’une blague soit drôle : d’abord, qu’elle soit drôle (sic), et ensuite qu’on la présente au bon interlocuteur. Ainsi il me semblait tout à fait cool et ok qu’un pote pas-antisémite-puisque-c’est-mon-pote me fasse la énième fois le coup du schweppes juif, et que ma copine pas-grossophobe-puisque-trop-gentille-et-de-gauche-tavu ne se lasse pas du ‘on est gros on est cons on va à Arcachon’. Et puis, finalement, rire des blagues qui m’oppressent est une bonne défense, ca permet de montrer sa toute grosse carapace contre les micro-agressions, et puis moi-tu-vois-je-suis-pas-comme-ces-grosses-qui-se-plaignent-tout-le temps-puisque-je-rigole-de-ta-blague, donc s’il te plaît continue à me faire des jokes dégueulasses sur les obèses qui puent, mais parle moi, aime moi, je pue pas je te jure. L’oppression systémique subie par les gens qui souffrent de l’humour ciblé est tellement intégrée et normalisée que les victimes de l’humour se doivent de participer à leur propre dégradation, de peur d’être une nouvelle fois ostracisés. Faire rire à ses dépends, mais faire rire au moins, participer à ce qui fait rire l’ensemble d’une société pour s’y sentir intégré. Et puis on s’accroche à ces lieux communs oui-mais-regarde-si-c’est-un-arabe-qui-raconte-la-blague-sur-les-arabes-ca-passe-alors-pourquoi-moi-le-blanc-j’aurai-pas-le-droit-d’être-drôle-ma-liberté-d’expression-vive-la-France-merde. Ce raisonnement est bien mignon, mais il ne tient absolument pas compte des dynamiques d’oppression qui traversent nos sociétés racistes. C’est un peu le même mécanisme avec le racisme anti-blanc. Ca n’existe pas. C’est une réaction à la domination blanche ancrée en France. Pour prendre un autre exemple, on peut se demander pourquoi certaines femmes humoristes aiment taper sur les autres femmes. Est ce qu’elles le font parce que c’est drôle ? Ou parce qu’il est plus simple dans une société patriarcale dirigée par des hommes (ceux qui ont le pouvoir d’achat, ceux qui organisent les tournées, ceux qui donnent la norme de ce qui est drôle ou pas) de faire rire les hommes aux dépends des femmes ? Quand je me surprends à me moquer de la tenue d’une femme dans la rue, de quoi est ce que je me moque vraiment ? Pourquoi cette femme choisit elle ces vêtements pour se présenter au monde ? Qui lui impose une norme ? Est ce que c’est drôle de jouer contre son camp à la faveur du dominant ?

Quand c’est un homme qui produit de l’humour , on est évidemment en droit de s’interroger si cet humour est sexiste ou non. On peut choisir de mettre en scène le sexisme, et d’en rire. On peut même écrire des choses très violentes qui parlent de femmes, ca m’est arrivé, ici par exemple (je ne compare en rien ce petit texte au succès des auteurs de Bloqués ou de Bref). On peut écrire, faire jouer, des horreurs magnifiques. C’est souvent pas drôle. C’est même souvent affreux, angoissant, terrible. Parce que mettre en scène l’oppression d’un genre tout entier, c’est forcément présenter une réalité ignoble et insupportable. Je vous renvoie au travail d’Ariane Mouchkine et des réfugiés du théâtre du Soleil. C’est pas de l’humour non. C’est de la mise en scène d’histoires individuelles atroces. Et ca ne peut pas faire rire. On peut sourire de certaines situations finement amenées, on peut s’émouvoir avec les victimes d’atrocités. Mais je ne me suis jamais tordue de rire devant Le Dernier Caravansérail, je vous l’assure. La vocation du travail de mise en scène est alors  de porter une histoire et de changer l’oeil du spectateur. Alors comment mettre en scène l’invivable des femmes en étant drôle ? Vous prendrez bien une petite part des cendres de Desproges ou de Guitry ? Je sens que vous les avez déjà en bouche, toutes chaudes de l’urne. Je ne suis pas sure que ces deux personnages ne soient pas, n’étaient pas misogynes. Ils avaient du talent. Ils faisaient rire les dominants. Et certains comprenaient qu’il s’agissait d’humour. Et d’autres les brandissent encore comme les défenseurs ultimes de la liberté d’expression. Il est intéressant d’observer comme le combat pour la liberté de la presse et l’expression libre est maintenant un combat de droite. Les fafs veulent pouvoir dégueuler leurs fientes en toute impunité. Liberté de dire de la merde, d’incriminer, d’enfoncer, de stigmatiser. Parce qu’ils peuvent, les fafs blancs bien français, bien soucheux, ils n’ont pas grand chose à craindre, malgré leur peur panique de tout changement à leur vie médiocre.

Revenons au sexisme. Comment des hommes cis peuvent ils faire rire sans sexisme ? Je pense que le plus sur est d’éviter de faire rire sur les femmes. Oui, ca peut paraître radical. Mais si tu ne sais pas faire quelque chose, si tu ne sais pas comment ton message va être reçu, il est parfois préférable de se taire. Dans le cas de Bloqués, il me semble qu’il y a des dizaines de choses pour rire. Les jeux vidéos. Les commandes de pizzas. La couleur du canapé. L’odeur du slip d’Orelsan.  Et si tu veux absolument faire rire grâce / à cause / par / de l’humour genré, pose toi les bonnes questions. Pourquoi ne pas rire sur l’impossibilité chronique des hommes à remettre en cause les fondements du virilisme ? Pourquoi ne pas rire sur la fainéantise affligeante des hommes à lutter contre l’éducation qui les forme à être des Hommes des Vrais, à jouer au foot et à roter, parce que ca, ca c’est masculin tu vois ? (Non ce n’est pas masculin, mais les clichés de genre sont des clichés, justement). Pourquoi vouloir taper sur les femmes ? Elles s’en prennent pas assez dans la gueule comme ca ? C’est drôle de servir en quasi prime time à la télévision une soupe tiède pleine d’images qui servent à humilier les femmes quotidiennement ? Exemple : « Sinon, ils lâchent leur boulot « parce que la DRH elle voulait pas coucher avec moi pour que j’aie une augmentation » ou parce que « Y’avait aucune meuf bonne », « Ah ben bravo ! C’est sûr qu’ici il y a plus de meufs bonnes ! » . J’ai vraiment la flemme de reprendre mes marionnettes et de vous faire l’histoire du plafond de verre dans les entreprises, de la mise au placard des femmes après leur maternité, des contrats à quart de temps qui concernent principalement les femmes , bref, j’ai pas la force. Mais une chose est sure : ce n’est pas drôle. Et voir deux prétendus loseurs, car ils ne sont que les acteurs qui mettent en scène la lose, les deux protagonistes Orelsan et Grinch sont des artistes reconnus, accumuler les conneries sur le sujet, suivant un scénario écrit par des hommes eux aussi reconnus et ne manquant pas de projets et de travail, ouais, c’est pas drôle, et ca fait presque mal au cul. Prétendre que les télé-spectateurs comprennent que ces deux acteurs sont des perdants et qu’ils ont forcément un discours de connard, c’est se mentir. Il suffit de lire les commentaires sur les articles consacrés à la mini série ou les réponses sur les réseaux sociaux. On se marre parce que c’est drôle d’aller se branler sur la gueule de la meuf bonne du taf dans les chiottes. On se marre parce que c’est rigolo d’avoir une voisine bonnasse et de la faire chier. Les fans d’Orelsan et Grinch sont ravis de les voir à l’écran, les autres se reconnaissent dans des propos à chier dégueulés à longueur d’année par leurs pères, leurs professeurs, leur plombier. Et la vie continue. Et les femmes sont toujours bien dans la merde. Super, merci d’avoir joué.

Le pire de l’histoire, c’est que je suis assez persuadée que les mecs qui écrivent ce programme sont persuadés d’être féministes. D’être des mecs engagés, qui n’obligent pas leur meuf à se raser la chatte, ou ce genre de trucs. En fait y’a même pas à être persuadée, Navo le dit très bien lui même sur Twitter. Il est féministe, il peut donc faire dire de la merde à des personnages. Vous saisissez le problème ? Je vais me décréter anti raciste, mais je vais produire Michel Leeb. Je vais me décréter anti grossophobie, mais Karl Lagarfeld est mon meilleur pote. Je me demande à quel moment les féministes ont échoué dans leur projet de pédagogie à l’égard des hommes. Parce que non, tu ne peux pas être féministe et participer à la mise en scène du sexisme quotidien sans message, sans explication, sans contexte. Ca revient juste à rajouter un petit tas de merde sur la benne de bouse qu’on se tape tous les matins parce qu’on s’identifie comme femme. Ca n’aide personne, au contraire. Ca devient cool. Parce que ces loseurs de Bloqués, ce sont des mecs cools. Des rappeurs blancs. Des dominants. Et que tout le monde veut jouer avec les dominants. C’est vachement plus drôle que de lutter avec les victimes. Et puis soyons honnêtes, trouver des punchlines non oppressives, ca doit demander vachement plus de taf.