Oui, Non, Pourquoi

Je suis en colère, je suis énervée, en ce moment j’arrive pas bien à penser, je sais pas ce qui m’arrive, je suis comme bloquée, je cherche mes mots, j’arrive pas à lire, les lignes sautent devant mes yeux, la musique n’a pas de sens, change de chanson, change de métro, marche en automatique, assieds toi à ton bureau, automatiquement tape sur le clavier, fait avancer ton entreprise, surtout ne pense à rien, ni à demain, ni à lui, ni à rien, je suis sur les nerfs, je suis au bord des larmes, je suis pas dans mon assiettes, je suis mal dans mes baskets, y’a un truc qui me gratte et j’arrive pas à trouver la plaie, j’arrive pas à arracher le pansement, d’un coup sec, passer de l’alcool, passer à autre chose, je bloque.

L’inconscient, les rêves, parlez moi de vous mademoiselle, à quoi tu penses ma chérie, pourquoi tu pleures, pourquoi tu ris, à quoi tu penses putain quand tes yeux se ferment, quand tu pars loin de moi et que j’arrive pas à te ramener, où tu t’en vas, de quel droit, t’es qui pour me désobéir, plie toi aux règles, déclare toi, explique qui tu es, je vais pas me laisser faire, je vais te chercher, je vais te bousiller, je t’ai déjà repéré, je t’ai dans la lunette, j’ai plus qu’à tirer, je te bute, je ramasse ton cadavre et je le coupe en deux, je cherche à l’intérieur ce qui me remue si fort, ce qui me fait trembler, je laisse rien de côté, tes viscères, tes tripes et ton cerveau, coupés en lamelles, prêts à être étudiés.

J’ai pas besoin de microscope, je sais mais je refuse de voir, je me cache derrière mes mains, je me bouche les oreilles, je chante plus fort que toi, je veux rien entendre, je veux pas m’en occuper, j’ai peur et puis je pleure, je suis pas plus forte que ça, le truc qui vit en moi, le manque et puis l’oubli, la peine et puis le deuil, ces trucs qui arrivent à tout le monde mais qui m’ont niqué à vie, qui ont fait de moi une connasse de freak, une tête mal faite dans un corps malsain, je me plains pas, je sais que c’est là, ca bouge tout seul à l’intérieur de moi, je sais juste d’où je viens, plus je le sais, mieux je vais, seulement c’est long, trop long, parfois j’vois pas la fin, je ferme les yeux et puis je les laisse gagner, pour un instant, parce que j’en peux plus d’être contre tout le temps, contre le vent, contre les gens, je suis usée, c’est fatiguant.

C’était mieux avant, c’était mieux y’a quinze ans, quand je savais pas ce que c’était, d’être mal, de penser en rond tout le temps, de péter les plombs, surcharge de masse de vos connexions, le système nerveux central se rebiffe, débranchez la centrale, tu grilles tes chances, tu cours après demain, je m’endors en récitant quelque chose qui demande à me réveiller, parfois j’hésite, pas que je veuille partir, juste que si demain c’est pareil, si ca ne s’arrête pas, demain ca sera pire, alors je récite plus fort, je déclame et je hurle, je veux, j’exige, tu trouves que je parle fort, que je parle trop, que mon rire est sonore et que je suis trop cash, mec c’est juste ma façon de prier, de me faire entendre là haut, tu sais y’a du chemin, faut que la voix porte, faut qu’il entende, si demain je me réveille et que j’arrive à penser, quelqu’un aura entendu, quelqu’un aura décidé.

Paris Twitte

Paris twitte, il bande et il se touche aussi, il se parle et il envoie, ca crie et puis ca murmure, dans les coins les plus sombres on s’explique, pourquoi t’as dit ça, je te promets je suis pas comme ça, la timidité aussi, si tu me followes pas, j’ai du mal à venir vers toi, je cherche ton étiquette pour m’assurer qu’on a quelque chose en commun, quelque chose sur quoi partir au moins, lancer la discussion et puis après on voit, l’IRL c’est terrible, ca next plus vite que sur chatroulette, les prétextes les plus foireux sont les meilleurs, je vais chercher un verre, j’ai aperçu mon ami, je te plante là et je reviendrai pas, désolée meuf, mais vraiment je peux pas, j’ai essayé mais tu m’intéresses pas.

Les stars font des apparitions, ca se moque et puis ca se jalouse, les influents et leur clique, les admirateurs et les haters, ca pourrait se clasher mais soyons raisonnables, c’est tellement plus simple de se niquer planqué derrière son écran, ce soir pas de sang, ca vanne mou, ca bande mou, ca jouit pas, ca se poke à peine et ca se réconcilie déja, stratégie de l’évitement maximum pour les plus lâches, je fais semblant de ne pas te reconnaître et tu me le rends bien, demain on reprendra nos joutes débiles, je dirai de tes articles qu’ils puent le sponsors, tu diras que je suis aigri, finalement nos personnages sont indémélables, les contrastes ca sert, ca vend, le noir sur le blanc, tu sers mon ego quand je pisse sur le tien, qui de nous deux est le plus pute, c’est à démontrer.

Au milieu de vous tous, ceux qui comptent, ceux que je connais déja, celles que j’avais envie de voir, ce mec qui me tient la main et à qui j’ai envie de rouler des pelles, seulement tu me connais, je suis pas comme ça, alors je cherche ailleurs et je provoque les puceaux, ceux qui se disent vulgaires alors qu’ils sentent encore le savon et le propre, le business du gros mot au kilomètre, ca me fait rire, ca m’amuse, mais finalement ca me débecte un peu aussi, comme si t’avais rien d’autre à dire, thérorisation du néant, bite chatte couille pipi, tu me résumes à ça, mais mec t’as vraiment rien compris, être vulgaire et grotesque c’est plus qu’une pause de branleur, c’est un choix symbolique, cherche un peu dans ta tête et reviens dans quatre heures, évidemment je ne suis pas comme ça, évidemment c’est déliberé et choisi, seulement pour assumer faut se connaître, savoir ce qu’il y a à l’intérieur.

J’ai peur de rien en soirée, t’es avec moi, jamais loin, jte cherche des yeux, je me rassure de te savoir dans un coin, t’es mon pilier, je compte sur toi, tu me donnes sans le savoir la force d’être moi, si je me plante, si je me fais jeter, t’es là et tu comprends, dans tes yeux y’a les miens et puis ma tête aussi, la foule n’y change rien, je te retrouve toujours, t’es mon aimant face nord, t’es mon référent, mon exemple, t’es tellement jolie, tu sais t’es belle, j’ai envie de te protéger et de te prendre sous mon aile, mais j’suis pas comme ça tu sais, alors j’me fais dicrète, j’parle fort, je dis n’importe quoi, mais j’oublie pas, j’ai l’oeil qui trâine à côté de toi.

Le garcon formidable

Je connais un garçon formidable, avec qui je peux tout faire, chanter fort et puis boire, pleurer ou me rouler par terre, quand ca me serre à l’intérieur je me réfugie chez lui, il me fait du thé trop noir qu’il sucre à la cassonade, dans son intérieur parfait c’est toujours propre, le lit est toujours fait, les magasines branchés sur la table basse, les chemises empilées qu’il repasse, le parfum qu’il se met le matin, le cendrier planqué qu’il garde juste pour moi, chez lui je peux fumer, je sais qu’il n’aime pas ça, il tousse mais il me laisse faire, il passe tout mes caprices, il sait ce dont j’ai besoin, les draps sentent la lavande de grand mère quand je me couche à ses côtés, sa main dans mon dos pour m’endormir, c’est parfait.

Le garçon merveilleux n’a pas de sexe, je crois que ca l’ennuie, il aimerait que je tente quelque chose, pas qu’il en ait envie, juste pour se rassurer, se dire qu’il me plaît, mais il est mon doudou, celui que je serre en suçant mon pouce, même nu contre sa peau le désir ne vient pas, il est mon ange gardien, mon refuge, celui que je n’aurais jamais, si je le désire je fausse tout, je ne peux plus me laisser aller, mes pieds mal vernis sur la table basse et le mascara qui coule, mes histoires d’épilation et les histoires pourries de mes nuits, je ne pourrai plus lui avouer mes défauts, mes insomnies, je jouerai la fille parfaite, celle qui range son sac et qui se lève tôt le matin, qui mange des légumes et qui fait attention à la planète, j’arrive pas à être vraie quand j’aime.

On pourrait faire du sexe, se frotter, pour dire qu’on l’a fait, pour avoir quelque chose à raconter, rajouter une donnée supplémentaire dans notre équation compliquée, mais je suis lucide, ca change tout, les mails qu’on échange le jour d’après, la façon dont on se regarde, les silences et les soupirs, dans le prisme du cul tout est réinterprété, personne n’y résiste, on a beau se le promettre, dire qu’on ne changera jamais, qu’on restera toujours les amis parfaits, qu’on se fait juste du bien, sans conséquence, sans lendemain, ca ne marche pas, ca se finit mal, tu perds le garçon formidable et le nouvel amant, sans t’en apercevoir, les deux en même temps.

Je voudrais être la fille formidable de quelqu’un, pouvoir offrir ce qu’il m’offre à un garçon joli, qui ne me désirerai pas mais qui aimerait être dans mes bras, rendre un peu de ce que je lui prends pour le donner à l’autre, lui dire que tout ira bien et que j’ai acheté ses bonbons préférés, qu’il peut dormir ici, si il veut, que je suis là, qu’il dorme à côté de moi, que je veille sur lui, qu’il reparte au matin apaisé et heureux, être la maison de quelqu’un dans cette vie où tout bouge tellement, où nos repères sont niqués par la vitesse et le temps, un point d’attache rassurant pour mec au bord de la crise de nerf, un point virgule, un espace, une fille bien juste peut-être.

Non

J’avais envie de t’embrasser pourtant, tu es beau, tu me plais, j’ai bu peut-être un peu plus que je ne devrais, ca fait quelques heures qu’on discute, tu me touches le bras et je sens que tu en as envie aussi, parfois je fais exprès de frôler ta main sur le comptoir, on est verrouillés les yeux l’un dans l’autre, on se drague, on se séduit, on se teste, je pensais savoir comment ca finirait, des baisers dans ce bar, dans la rue, jusqu’à l’arrêt de bus, un numéro de téléphone, un diner, peut-être plus.

C’est toi qui m’embrasse, qui te jette le premier dans le vide, ta bouche contre la mienne se fait violente, insistante, tu tiens ma tête avec tes mains, tes genoux serrés sur les miens, j’avais pas deviné, je pensais pas que tu serais ce genre de garçon là, c’est peut-être l’alcool, c’est peut-être la musique, c’est peut-être moi qui avait envie de plus de douceur, de plus de temps, mais tu es tellement ce que je voulais ce soir, je me laisse aller et je te rend tes baisers, tes mains lâchent mes cheveux pour passer sous ma chemise, tu vas vite, très vite, on est encore au milieu des gens, tu t’en fous, tes lèvres dans mon cou, tes jambes m’enlacent et ta respiration s’accélère.

J’ai un peu honte quand même, débraillée dans ce bar où je connais tout le monde, ce garçon inconnu qui me dévore, les regards de mes potes qui me regardent me laisser faire, je te propose de sortir, fumer une clope, prendre l’air, je laisse mon sac sur la banquette avec mes amis, dehors sous le parasol brulant ma cigarette se consume sans que j’ai le temps de la fumer, tu n’as même pas allumé la tienne, trop pressé de te coller à moi, le froid ne change rien, j’ai vraiment du me tromper, tu me mords la langue et tu meurtris mon poignet, quand je m’éloigne pour respirer tu recules avec moi, bientôt je suis contre le mur, tes bras m’encadrent, je commence à vraiment à regretter d’être sortie, on est à quelques mètres de mes potes, pourtant je me sens ailleurs, plus en sécurité, j’essaie de trouver ton regard pour ralentir ce qui est en train de se passer, tu n’as plus de visage, je n’arrive plus a te trouver, ta main entre mes cuisses commence à me fouiller, je te dis d’arrêter tu l’éloignes pour mieux recommencer, ton érection rentre dans mon ventre, c’est douloureux, j’ai peur mais je ne crie pas, ta main sur ma bouche écarte mes lèvres et fait office de bâillon, tes jambes à l’intérieur des miennes écartent mes genoux et m’empêchent d’avancer, je mord ta main pour te faire lâcher alors tu tords mes doigts, mon poignet et mon bras, quelqu’un va sortir, il faut que quelqu’un sorte, ca ne peut pas m’arriver, c’est impossible, je suis juste sortie fumer, tu pries et puis tu cries, à l’intérieur tu hurles et tu pleures, t’as beau peser plus lourd, tu peux rien faire t’es bloquée.

Il a fini, j’ai couru vers le bar, attrapé mon sac et je suis partie. Sans me retourner, sans expliquer, juste rentrer le plus vite possible, verrouiller la porte, prendre une douche et me coucher, oublier, refaire l’histoire, il ne s’est rien passé, te persuader que vraiment tu en avais envie, qu’on a pas pu te faire ça, pas à toi, c’était un jeu, tu ne pleures pas vraiment, les éraflures sur ton bras, c’est sur tu les avais avant. Tu mets des années à t’avouer que c’est arrivé, que tu ne voulais pas, que tu as dit non, tu repasses dans ta tête les diapositives de la soirée, ce que tu as pu dire, ce que tu as pu faire, la manière dont tu étais habillée, à quel moment tu lui as donné le droit de te violer, ce que tu aurais pu faire et pourquoi tu étais pétrifiée, pourquoi personne n’a rien vu, pourquoi personne ne t’a sauvé, ce mec que tu ne connais pas, tu crois le voir partout où tu vas, son visage t’échappe mais sa silhouette est partout, dans tes cauchemars la nuit et quand tu fais l’amour, ca te coupe l’envie, ca te réduit en cendres, tu t’en veux tellement, t’es coupable, jamais victime, dans ton raisonnement niqué tout est de ta faute, il fallait que ca arrive.

My Old Friend

Le soir quand je m’ennuie, quand j’attends trop le sommeil, j’écoute les discussions d’anonymes qui se livrent, à la radio dans mes oreilles leur coeur et leurs tripes, leurs espoirs et leurs échecs, les enfants qu’ils ont perdus et les hommes qu’elles ont aimé, la solitude qui ronronne dans le combiné, l’animatrice un peu joviale, tendance tout ira bien, je me demande souvent ce qu’il se passe quand le poste s’éteint, quand après avoir livré leurs confessions ils se retrouvent si seuls, dans le noir de leur salon, il est tard et pourtant le sommeil ne vient pas, les mots de la speakerine qui raisonnent dans leur tête, il faut aimer la vie et vous faire des amis, sortir de votre bulle et oser rencontrer l’amour, de belles paroles pour gens perdus, pour âmes esseulées, que font-ils l’instant d’après, le téléphone raccroché, la cigarette écrasée.

Il y a surtout des femmes qui appellent, des histoires de coeur ou des secrets de famille, le mari qu’on a tant aimé qui vient de mourir, les rencontres sur Internet qu’elles font sans en parler à leur famille, la peur de crever seule, de ne pas se réveiller, de servir son corps congelé aux pompiers étonnés, je suis tellement seule, je n’ai personne à qui parler, vous parler me sauve d’une folie programmée, mon chat vient de sortir, la maison craque autour de moi, j’ai peur des ombres et des recoins, malgré mon âge, je sais c’est ridicule, la chambre des enfants intacte, les patins sur le parquet, j’ai travaillé pourtant, 33 ans dans la comptabilité, jamais malade, toujours partante, mon patron m’adorait, j’ai fait de grands voyages, j’ai parcouru l’Europe, j’ai perdu mes parents et réconforté mes proches, j’étais le pillier sur lequel on se repose, celle qui prend les décisions, aujourd’hui je ne compte plus pour personne, à part mon chat peut-être, et puis le téléphone.

Elles m’émeuvent, ces petites vieilles dégoutées d’être plantée là, abandonnées et coincées dans leurs habitudes et leurs maisons briquées, je revois les quelques photos de ma grand-mère jeune fille, j’entends le crépitement du tourne-disque et dans ma tête elles se mettent à danser, la combinaison sous la jupe grise se fait robe de soirée, les bouches ridées montrent des dents ivoires, leurs yeux s’animent et leurs gestes se font plus souples, envolés les douleurs, la peur de chuter et la honte d’être gauche, elles swinguent mes grands-mères, elles s’envoient en l’air, la chanson est ancienne, le son fantomatique, l’énergie est irréelle, elles sont des boites à musique, remontées pour quelques instants, réchauffées, réanimées, elles sont pour un moment le reflet de ce qu’elles ont été.

Quand le disque est fini, que le saphir butte sur les bords cartonnés, elles se dégonflent et reprennent leurs visages trop maquillés, le rose de leurs joues, pourtant si naturel, se fige en blush forcé, les cheveux reprennent leurs plis travaillés, leurs mains creusées se croisent, leurs yeux se baissent et comptent par habitude les tâches de vieillesse, le souffle qui leur permettait de danser les brule et les fait tousser, l’odeur même de la pièce change, c’est la mort qui fait son entrée, elle danse au milieu du cercle de mes petites vieilles, elle les prend par la main et les attire au centre, se serre contre leurs corps et essaie de me les prendre, je raie le disque et remonte la mécanique, la musique repart et elles chassent le démon, elles respirent et reprennent des couleurs moins usées, elles sont vivantes encore, tant que le disque continue à tourner.

Zobi.

J’voudrais écrire toute la journée, lire et puis procrastiner, j’voudrais être payée pour donner mon avis, défoncer des concepts et décortiquer des idées, j’voudrais compter les mots dans mon traitement de texte jusqu’à ce que ca fasse 10 000 signes, j’voudrais finir mes nouvelles et puis écrire un livre, avoir du temps pour créer, peindre et dessiner, mais j’ai un boulot alimentaire amusant qui me bouffe les trois quart de mon temps éveillé, je suis pas une mutante, j’ai besoin de temps pour dormir et rêvasser, alors j’ai l’impression d’aller dans le mur et de ne rien finir, de courir toute la journée pour pouvoir tout faire rentrer, le nécessaire pour payer la bouffe et loyer, le vital pour ma tête, et le superflu qui te permet de respirer.

Je lutte pour trouver un équilibre parfait, j’envie tellement les gens qui arrivent à vivre leur truc vraiment, qui vivent chichement mais qui s’en foutent, qui combinent leurs névroses et leur talent, qui donnent du sens à leur vie, ou même ceux qui occupent comme moi des métiers relativement pourris, mais qui y trouvent assez de force pour se lever avant midi. J’ai peut-être pas la force, je suis peut-être une feignante, j’ai surtout l’angoisse de tout faire foirer qui me bouffe le ventre, comme si il fallait choisir en permanence entre ce qu’il faut et ce qu’on veut, devoir prouver qu’on assume, qu’on travaille, que comme tout le monde j’en chie, alors qu’on pourrait vivre autrement, on a les moyens de faire mieux, mais t’as peur et tu te mens, tu te caches et tu attends, les mois passent, y’a rien qui change, t’es juste de plus en plus déphasée, la réalité te semble si morne que tu cherches des moyens d’y échapper.

Je voudrais faire le grand saut, dire à partir de maintenant je réfléchis, je fais ce dont j’ai envie, j’écris et puis je tente, il sera bien temps de retourner à l’usine si je me plante, je me fais l’effet des connasses qui postulent à la Star Académie, je me moque de moi je me ridiculise, je me culpabilise aussi, qui je suis pour me laisser du temps alors qu’autour de moi ceux que j’aime travaillent comme des chiens et se saignent, je me prends pour qui, je pense à quoi, j’ai vraiment rien que de la merde en tête, j’arrive pas à faire le tri, entre les possibles et le reste, entre ce que je fantasme et ce que me réserve le réel. Je voudrais pas passer à côté de moi, je voudrais pas finir ma vie sur un constat amer, me dire que j’aurai pu, que ca aurait été joli, mais que je me suis laisser bouffer par le confort et par l’habitude, par les automatismes, par tout ce qui fait que je m’empêche de sauter, et même de penser à sauter.

Je suis dans l’angoisse d’être au bord de quelque chose que je pourrai réussir, quelque chose de concret, qui sort de ma tête pour arriver sur du papier. Ca me semble impossible, malgré les bons présages, mais les possibles existent, et m’empêchent d’avancer dans la vraie vie, je suis entre deux chaises, mon cul pourtant énorme ne remplit pas l’espace, choisir c’est renoncer mais je suis pas sure d’avoir une bonne étoile ou une marraine fée, y’a que moi et ma conscience qui se regardent à l’infini, qui s’interogent et qui se parlent, sans jamais arriver à un compromis.

Armée des ombres

On est fortes. On est fortes dedans, la rage au ventre, l’envie qui tabasse, les crocs qui saignent et les mots qui assassinent, on a l’air douces comme ça, fait bien gaffe à toi, à l’intérieur c’est Beyrouth et puis la Serbie, c’est hardcore, c’est pointu, ca balance et c’est tendu, on t’attend pas pour réfléchir, pour penser ou pour agir, on est là, on est fortes et on est grandes, on est vener et on est puissantes, on est des survivantes.

On est des dizaines, des centaines, on se reconnait au premier coup d’œil, une phrase échangée suivi, j’ai capté, pas besoin d’en dire plus, on partage pas nos histoires, on les écrit peut-être, en demie teinte entre deux lignes, si tu comprends pas oublie nous, on ressent avec ses tripes ce qu’on devine dans nos mots, si ça te parle pas t’es pas de ma bande et j’ai rien à t’expliquer, y’a des choses trop graves pour être démontrée, y’a des matières assez peu précises pour qu’elles ne s’enseignent pas, je ramasse pas les copies mais je vois bien, dans ce que tu lis ce que tu choisis, ce qui te fait vibrer et ce que tu préfères jeter, j’écris pour moi et puis pour celles qui ont choisi de continuer, de vivre, de t’emmerder, qui courent après le bonheur alors qu’il s’est déjà sauvé.

Je voudrais les prendre toute dans mes bras et embrasser leurs escarres, sucer le pus et puis le sang, dire que je comprends et que rien n’est grave, qu’on se remet de tout, que le temps fait son ouvrage, qu’on est jamais vraiment seul à porter ces trucs pourris, qu’on partage avec tout plein de meufs la même histoire, le même ressenti, la même boule dans la gorge à des dates différentes, mais je suis de celles tu vois qui ne parlent pas facilement, qui ont dans la tête des milliers de mots qui rechignent et trébuchent, qui voudraient t’apprivoiser, te consoler mais qui n’y arrivent jamais, par peur de te blesser, de trop deviner ou de trop dire, de mettre des syllabes sur une douleur trop forte et qu’ils te fassent fuir.

Je voulais juste dire que je suis là, qu’elles sont toutes là, silencieuses, marche des ombres de toutes celles de notre club particulier, pas de banderole, pas de signe extérieur de reconnaissance, on marche ensemble, en rangs désordonnés, on se disperse et on se serre, selon le vent, selon l’humeur, on ne parle pas beaucoup, on respecte les non-dits, si tu nous croises dans la rue, ne cherche pas à comprendre, y’a pas d’enquête épistémologique pour nous recenser, pas de statistiques qui puisse refléter notre appartenance au gang des effacées, un regard, le silence, tu nous reconnais peut-être, mais tu comprendras jamais, ce que c’est de vivre sans lui, ce qu’on garde à l’intérieur, les coups et puis les cris, la violence du départ et de l’anéantissement, ce que t’étais, ce que tu voudrais être, tout est mort maintenant, tu reconstruis sans cesse, mais la greffe ne prend pas, ton corps rejette la vie et ton esprit range les dossiers trop lourds pour être digérés, à force de consulter tu finiras peut-être par oublier.

Long is the road

Tu pleures dans le métro, tu sais pas pourquoi, tu sors du boulot, et d’un coup, ca te tombe dessus, t’essaie de résister mais c’est pas la peine, t’as beau serrer la mâchoire, jouer avec ton téléphone, changer de musique, plisser les yeux, tu sens que ca monte et tu peux rien retenir, tu voudrais pourtant, ne pas te livrer à ces inconnus, ce vieux qui prend toute la place de l’autre côté du strapontin, la nana d’en face qui est beaucoup trop belle pour pleurer, qu’est ce qu’elle a à chialer cette grosse morue, ca se fait pas, comme ça en public, pour rien, sans raisons, en plus j’ai pas de mouchoir, je vais finir écarlate et échevelée, le corps secoué par des sanglots qui partent des pieds, qui remontent et qui me donnent le hoquet, j’ai pas envie mais je contrôle rien, ca coule sur mes joues et ca tombe le long de mon manteau, tout le monde me regarde, j’ai honte, j’ai froid et je voudrais sortir de là, encore six stations, résiste, les inconnus peuvent bien se moquer de moi, peut-être qu’ils ont envie de pleurer eux aussi, que tu pleures pour ces vingt personnes qui n’osent pas.

Journée de merde, journée pourrie, la tête qui tourne et les yeux dans le gris, mes jambes tremblent, la bouche sèche, l’angoisse au bord des lèvres, envie de mourir mais pas assez, moment de répit, tu crois que c’est parti, et puis ca revient comme une vague souillée et dégueulasse, ca t’emporte et tu voudrais te cacher, creuser un trou dans le parquet et t’y recroqueviller, attendre qu’on vienne te chercher, qu’on te prenne par la main et qu’on t’emmène, là où t’as pas mal, là où rien ne t’atteint jamais, au fond de ton lit, dans le noir protecteur de ta chambre familière, les ombres et les lumières que tu connais par cœur, le bruit du radiateur et les talons de la voisine, les sons sourds qui te parviennent comme dans le ventre de ta mère, être petite encore, enfant et protégée, ne pas avoir des choses à faire, ne pas avoir besoin de lutter, rester immobile des heures et puis des jours, s’enfermer en soi-même, ne plus rien dire, ne plus parler, atteindre la fin du cauchemar, du mal-être, buter encore une fois le chien noir et sa cohorte de fantômes, assurer le minimum vital, se concentrer sur respirer, se souvenir de boire et de pisser, j’ai pas envie d’y retourner, je suis bien dehors, j’ai pas envie d’arrêter de vivre, de rire, de ressentir, mais j’ai putain de peur d’être au bord et je flippe.

J’ai pensé à ça toute la journée, le sentiment obsédant que tout recommençait, que j’étais grillée, foutue, usée, incapable au bonheur, bonne juste à me jeter, j’ai revu les semaines sans me laver, les yeux exorbités, tes forces qui te quittent et tu peux rien pour les rattraper, j’ai vu l’angoisse qui me scie le ventre et qui me rend malade, qui fait courir à mon cœur des sprints intolérables, j’ai chialé dans ce putain de wagon, devant toi peut-être qui t’en fout, qui m’a déjà oublié, je me suis raccroché à l’espoir que peut-être quelqu’un viendrait me chercher, à la descente, un visage et des bras, la douceur confortable du creux de son épaule, il était là et j’ai explosé, j’ai hurlé et j’ai pleuré, j’ai déchargé toute ma peur, toute ma journée, j’ai vomi la terrible noirceur d’être seule sans lui, je me suis accroché à son bras et il m’a conduit jusqu’à mon lit, il m’a déshabillé, comme si j’étais ivre, comme si j’étais défoncée, comme une enfant endormie qu’on porte vers son lit, surtout ne rien brusquer, des gestes lents, la voix assurée, il m’a dit tout ira bien, dors ne t’inquiète pas, tu verras bien demain, il m’a dit qu’il serait là, quand je dors, quand je crie, quand je me réveille aussi, il a dit tu es belle ne t’inquiète pas, les chiens on les achève, mêmes les noirs, même les bâtards, on les crève et on les enterre, je monte la garde je le laisserai pas rentrer, si il pousse la porte je le tue, je te sauverai.

Saint Valentin (Vieille Pute) (NDLA)

Jte fais un poème en prose pour la St Valentin, la rime c’est difficile, ca passe mal, ca n’apporte rien, pour te dire que ce jour pue tellement que j’ai envie de vomir, que si tu m’offres des fleurs je ferai exprès de les laisser mourir, j’leur filerai pas à boire, j’les laisserai crever, elles méritent que ça, ces salopes, à me rappeler ton absence et mes regrets.

Je comprends pas les couples qui se tiennent par la main, qui s’offrent un beau resto et qui échangent des cadeaux, ils se foutent de ma gueule, ils se gaussent et ils jouissent, de me voir passer seule devant la vitre, la mine défaite et les yeux mouillés, j’ai envie de leur éclater la tronche à coup de marteau, leur refaire le portrait façon Picasso, qu’ils seront heureux à l’hosto dans leurs lits jumeaux, se faire nourrir à la becquée par une infirmière éplorée, une histoire de plus à rajoutée à l’album intitulé “nous deux”, l’histoire de la folle furieuse qui gâcha notre première St Valentin en amoureux.

J’voulais parler d’amour, j’voulais écrire pour un concours, j’voulais dire les fleurs et les abeilles, le parfum et le soleil, les nuits de passion et les vacances à Montluçon, le mariage qu’on prépare, les dragées et la fanfare, les enfants qu’on aura, les rêves qu’on fera, je suis pas douée pour ces choses là, j’voudrais faire un grand geste romantique, un lip-dup de Bon Jovi ou un strip-tease mélancolique, te dire que je t’aime sur des milliers de putain de post-it, mais je ronge mon frein, je mate des conneries, je pense à rien, c’est plus facile, je risque pas de me vautrer, me prendre un vent, manger un mur, retourner dans l’obscurité.

A trop aimer toute seule, on finit comme moi, le cul dans son canapé, les nerfs retournés, une dizaine de clopes écrasées dans un cendrier, une lettre pas finie qui partira à la poubelle, le miroir qui me renvoie ma gueule de pas belle, mes pieds trop grands et mon ventre monstrueux, mon nez trop court et mes lèvres trop fines, cette année, comme l’année dernière et celle d’avant, je ne dirai rien, je ronge mon frein, ca saigne toujours, c’est ca l’amour, enfin je crois, c’est juste comme ca que ca se passe pour moi.

Si t’es comme moi un peu blasée, un peu dégoutée, un peu chiante, un peu méchante, je forme un club, on fera des sorties culturelles, on partira en vacances et on apprendra la broderie, on nous traitera de vieilles gouines dans les boîtes de nuit, ensemble on sera plus fortes, on se tiendra chaud, quand les autres autour sont trop heureux, quand tout va pour le mieux pour eux, on s’en fout des gens, nous on souffre mais on est bien, on aura pas d’enfant, on tournera vinaigre, on finira ensemble, dans la même maison de retraite.

Enjoy the silence

Je déteste la solitude et pourtant je la recherche, j’aime penser seule, parler seule, écrire seule, je ne partage pas la musique qui me fait vibrer, je la garde pour moi comme un secret, mes livres sont rognés, cornés, fatigués, je ne le prête pas pourtant, ils sont lus, dévorés, relus et digérés, mon appartement c’est mon antre, quand tu viens je me sens dérangée, je veux pas que tu vois mon merdier, mes trucs et mes piles, le courrier entassé dans l’entrée, ni ouvert, ni trié, la télécommande scotchée, la grotte dans ma chambre, mes 3 bouteilles d’eau, mes mouchoirs et mon ours en peluche, chez moi c’est mon refuge, je m’y planque quand j’ai mal, quand je vais pas bien, quand je chouine, si tu viens, s’il te plaît, ne touche à rien et repart vite.

Quand je suis dans un groupe, j’essaie d’être sociable, je claque des bises et je raconte des conneries, j’essaie de m’intéresser, en vrai je suis pétrifiée, sortir de moi me demande un effort terrible, je m’arrache de l’intérieur, j’ai l’impression de me mettre en scène, réfléchir à ce que ferait une nana cool si elle était à ma place, qu’est ce qu’elle dirait, de quoi elle parlerait, j’ai ce complexe affreux, l’impression paranoïaque que personne ne viendra jamais vers moi, alors je provoque, je cherche, j’en fais trop, je parle trop fort et je bouscule, si tu me plais et que j’ai envie de t’embrasser, je sais pas faire, je te propose direct de te sucer.

J’aimerai trouver le juste milieu, le sens kantien de l’équilibre, être moi sans réfléchir, la scénographie de la sociabilité me fatigue, j’ai trop d’informations qui me submergent, le tri est trop difficile à faire, je prends les gens en pleine gueule et ils me retournent à chaque fois, en bien, en mal ou en pourri, en tout cas je ne les oublie pas. J’envie et je hais les communicants, ceux qui savent parler de la pluie et du beau temps, qui se lient d’amitié en dix minutes, ceux vers qui on va naturellement, qui donnent envie, qui savent sourire, je me sens toujours de trop, toujours mal placée, toujours décalée, je sais pas faire simple, l’alcool la nuit ca aide mais ca n’enlève pas l’essence de mon souci, une timidité maladive que j’enfouis sous une tonne de connerie.

J’ai toujours besoin d’en faire plus pour me sentir à la hauteur, le complexe de la grosse fille par excellence, c’est pas original, c’est tout à fait triste, comme si pour me faire pardonner de mon monstrueux physique il me fallait compenser, composer, impossible d’être juste moi pour être aimée. Si je tombe amoureuse c’est une torture, je me plie en douze pour te plaire, je te singe et je t’imite, persuadée que ce n’est pas moi que tu aimes en moi, mais le reflet que je t’offre de toi. J’ai pas encore appris à être vraiment seule dans mon corps, dans ma tête, débarrassée des autres moi, l’allumeuse, la salope, la drôle, la déprimée, la cynique, la méchante, la généreuse, la connasse, elles m’habitent et me plantent des aiguilles dans la moelle épinière, elles me font fléchir et m’oublier, je voudrais les vomir, les tuer, mais elles me protègent et je les connais, elles sont autant de facettes de moi avec lesquelles jouer, elles sont moi et je suis elles.

Grosse féministe