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Geographie

Mes idées s’effritent, je le prends pourtant avec délicatesse, je les sors de mon cerveau pour les poser sur le clavier, je ne bouscule rien, j’ai trop peur de les casser, au moment de les taper elles se brisent et s’envolent, je n’arrive pas à les rattraper, d’ailleurs j’ai arrêté d’essayer, je reste assise et je les regarde flotter, contemplation stupide, néant, peur du vide. Il ne manque pourtant pas grand chose pour que je finisse, ce projet un peu fou, écrire un format long, avec des chapitres et des virgules, des paragraphes et des dialogues, loin de mes entrailles que j’expose tendance boucherie-chic ici, skyblog pour presque trentenaire lettrée, au début c’était facile, j’avais l’envie, j’avais l’histoire, j’avais la fin et puis la chute, la morale et puis les maux, depuis une semaine je bloque au chapitre 18, j’ai beau me mettre en condition, soigner les clopes et la musique, les ingrédients essentiels de ma production au clavier, je suis sortie, je suis rentrée, j’ai essayé d’écrire au café, dans le métro ou sur du papier, ca ne sort plus je suis bloquée.

Je ne suis pas découragée, j’attends juste d’accoucher, je me sens lourde d’un quelque chose mais pas encore prête à pousser, et puis finir c’est prendre le risque de le faire lire, de me faire tacler, renvoyer dans mes buts d’aspirante écrivaine, retour à la case Sentier, si tout cela n’était qu’une parenthèse, période maniaque particulièrement bien menée, si tout cela retournait à l’obscurité, centaines de pages imprimées, relues et raturées, qui finiront planquée dans un carton défoncé, avec les autres projets que je n’arrive pas à achever, j’ai la confiance en moi fluctuante, sinusoïdale de l’ego, sans cesse malmené, par moi et par ce que je lis, quand j’ouvre un livre, quand j’écoute un texte je prends conscience de ma grande médiocrité, du chemin qu’il reste à parcourir et ce qu’il est impossible d’apprendre, le talent, le génie, faire frapper les verbes au milieu des mots pour qu’ils se mettent à hurler, accrocher le lecteur pour qu’il aie envie de te bouffer, de te dévorer, ne pas lâcher ton texte et l’emporter aux toilettes, bouffer en me lisant, chier et baiser en y pensant.

Bien sur je suis orgueilleuse, bien sur j’ai trop de fierté, je mets la barre haute et je prends trop de recul pour bien la sauter, mais quitte à te lancer dans le vide, autant le faire avec panache, le saut de l’ange parfait, ne rien regretter, se dire qu’on aura tout fait pour y arriver, que mes phalanges saignent de mes mots qui sont tout niqués, que mes yeux se fatiguent à relire la même putain de phrase qui ne veut pas s’enchaîner, trouver les mots inutiles, effacer, recommencer, trouver des synonymes, changer d’idée, pomme S, enregistrer, balancer le portable dans le coin le plus lointain du canapé, faire le tour de l’appart en fumant, penser que je n’y arriverai jamais, ouvrir le document encore, reposer le même verbe débile et se dire qu’il faut avancer, mettre des étoiles en gras autour des mots qui ne passent pas, se promettre d’y revenir quand on aura vraiment tout bouclé, regarder derrière soi et se dire que tout est à refaire, se battre avec le temps, quatre heure du matin et rien.

Les ombres sont des rêves

Y’a cet endroit en toi, en moi, que je recherche et que j’atteins rarement, ce lieu rare et particulier, où rien n’existe que tes souvenirs et la saveur géniale de ce que ton cerveau a choisi de conserver, les images et les sons, encéphalogramme excité, chaque fois que tu souris, chaque fois que tu aimes, c’est gravé quelque part, c’est noté, parfois j’arrive à y retourner, pas besoin de fermer les yeux, juste trouver le chemin pour y arriver, laisser de côté ce qui t’arrive, l’immédiateté, l’instant, te laisser aller à l’intérieur, voyage immobile vers le centre du paisible, du serein, de ce qui a été.

Dans cette boîte, y’a l’enfance et puis le maintenant, mon déguisement de cet été, quand j’avais gagné au club de plage, l’odeur de ma grand-mère quand elle m’aimait encore et les œufs brouillés à la tomate qu’elle cuisine en croyant me faire plaisir, le parquet de la maison de vacances, plein de nœuds, de bosses, le cri des mouettes et la cigarette que je fume en cachette la nuit, pas de grosses fêtes, pas de souvenirs avinés, presque pas de sexe, d’hommes ou de sentiment, cette boîte est restée intacte au temps qui passe, à l’âge adulte, aux histoires des copines, aux rumeurs et à l’appareil dentaire de l’adolescence, dans cette boîte y’a des souvenirs que je peux même pas dessiner, des impressions, des émotions, du brut pas décodé, j’ai pas envie de salir, je le garde pour moi, c’est là que je vais quand tout tourne autour de moi.

Je voudrais remplir cet endroit de tout ce qui se passe dans ma vie en ce moment, je voudrais l’ouvrir, je voudrais faire tourner, mes bonheurs débiles et les choses qui me font du bien en secret, d’habitude je suis pourtant une putain de bordélique, je mélange tout et je range rien, j’ouvre mon courrier trois fois par an, je procrastine et puis j’attends, seulement là j’arrive pas, c’est trop à moi, c’est trop intime, j’ai trop compartimenté, les choses qu’on peut dire et celles qu’on se doit de protéger, pour être sure de ne pas les abîmer, de ne pas les perdre, si je te laisse rentrer c’est fini, j’ai plus rien à moi, je suis à poil, je suis vulnérable, si je ferme les yeux j’ai nulle part où aller.

J’voudrais vivre dans ma boîte et regarder passer le temps, j’voudrais ne plus avancer, me faire un nid là dedans, me rouler dans ma nostalgie teintée en rose et ne plus rien espérer, me contenter de ce qui était bien, ne plus avoir envie de plus, de plus avoir besoin de croire, j’voudrais me blinder, m’isoler, laine de verre de ce qui fait tampon avec le quotidien, avec mes emmerdes et le reste, arriver à me dire que je n’ai pas besoin de m’inquièter, puisque tout ira bien, parce que j’ai la dose de bonheur en moi qui me permet d’avancer, quelque soit demain, j’voudrais apprendre à puiser à l’intérieur de moi plutôt que de toujours chercher ailleurs ce qu’il me manque, me rassurer toute seule plutôt qu’avec de la bouffe ou de l’amour, j’apprends, j’y arrive, pas à pas, c’est long mais ca viendra, c’est comme ces nuits d’été, quand le soleil tarde à se coucher, le temps qui s’arrête et les bougies dans le jardin, la nuit tombera mais on a le temps, on est pas pressés.

(…)

J’écris mon mal-être ici, ca en devient presque laid, des pages et des pages de vomi et de boyaux qui se tordent au rythme lancinant de mes angoisses, j’ai pas le choix, c’est tellement difficile, c’est tellement compliqué, je sais plus où j’habite, je sais plus quoi faire, le masque craque sous la chaleur, fond et puis se rompt, céramique puzzle des mes vies rêvées, je croyais être forte, je croyais être une putain de survivante, en ce moment c’est la guerre, Napalm et mines assassines, ça n’arrive pas qu’à moi, c’est tout le monde pareil, les histoires qui finissent et qui ne veulent pas mourir, écartelée entre ce qui a été, le confort et l’habitude, et ce qui pourrait être, le chantage et les reproches, la guerre affective de mes proches, la culpabilité qui me ronge et qui me tue, d’avoir encore raté, d’être définitivement foutue, efface, recommence, same player shoot again, quand est ce que ca s’arrête, le train qui devient trop petit, les murs qui se rapprochent et mon cœur qui s’emballe, l’envie de mourir juste pour maintenant, de revivre demain, quand tout sera guéri, quand tout sera neuf et joli, ailleurs, transformée, être quelqu’un d’autre en ouvrant les yeux au matin, arrêter de pleurer, juste quelques minutes, récupérer un visage débarrassé du rictus grotesque du désespoir commun, la misère propre à chacun, la noire, la sale, la gluante, t’as beau te dire que tout ira bien, tu te le chantes en mantra quand tout s’arrache autour de toi, j’arrive pas à parler alors je chiale et puis je me cache, je réponds plus au téléphone, je fais la morte, j’attends que ca passe, demain c’est trop loin, je voudrais déjà y être, aujourd’hui c’est trop long, c’est trop triste et puis encore la nuit, les cauchemars et les réveils, y’a pas une putain de lampe sur laquelle je puisse frotter, y’a rien de féerique dans ma manière de décompenser, juste moi et ma gueule, qui voudra de moi, fucked up fat biatch, compte tes bonheurs, rien ne durera.

No Need To Argue

Je voudrais être orpheline plutôt que d’avoir connu mon père, je ne voudrais pas me souvenir de l’odeur de sa chemise et du tabac froid de sa pipe, Habit Rouge de Guerlain, Amphora vert et temps qui passe, café froid dans sa tasse, seize ans sans le voir, je n’ai jamais compris, je ne comprendrai jamais, je ferme les yeux, je n’entends plus sa voix, j’ai oublié la voix de mon père, j’ai oublié ses mains, ses yeux et le reste, je le reconnais parfois en moi, dans mon profil un peu fuyant et mon humour un peu borderline, je suis la seule preuve tangible de son existence, de sa vie d’avant, quand il avait encore envie que je sois sa fille, quand il n’avait qu’un enfant.

Je voudrais qu’il soit mort, je voudrais l’avoir tué, je voudrais cesser de chercher à expliquer ce qui ne se dit pas, ce qui ne se parle pas, être abandonnée, pas au coin d’une rue dans mon couffin, héroïne d’un roman victorien, juste laissée là, de côté, effacée, gommée devant la nouvelle vie de mon géniteur, sa femme et ses nouveaux enfants, tellement plus jolis, tous souriants et neufs, propres, sans histoire attachée, pas de mariage raté à traîner comme un boulet, ils sont purs eux, ils ne représentent pas tes échecs et tes manques, ils ne portent pas sur le visage la trace de celle que tu as aimé, tu pourras être un nouvel homme avec eux, je leur souhaite de ne pas connaître ta violence, l’alcool et ta méchanceté, je leur souhaite le père dont je rêve encore parfois, celui qui chante et qui me raconte des histoires le soir quand je m’endors, l’Iliade et l’Odyssée, Ulysse et Circée, les restes de douceur que je conserve cachés à l’intérieur.

Je fais ce rêve souvent que je le croise au hasard d’une boutique, je suis à l’intérieur coincée derrière la vitrine, il passe dans la rue, observe les mannequins, les modèles et le magasin, mais il ne me voit pas, je suis transparente, je ne suis rien, j’ai  beau tambouriner contre le verre épais qui nous sépare, j’ai beau hurler j’ai beau pleurer, il reprend sa marche, s’éloigne et disparait au coin de la rue d’après, mes mains ensanglantées d’avoir trop frappé se mettent à pleurer du sang presque noir, je me réveille en pleurs, terrorisée, plus seule que jamais, il ne revient jamais, il ne se retourne pas, j’ai beau faire ce même rêve des centaines de fois, rien ne change, il avance et m’oublie, sa vie continue, il marche l’air serein, je me vide de mon sang derrière le mur de verre froid.

Je voulais comprendre, ce que j’avais fait, ce que j’aurai du faire, ce qu’on peut faire à son père pour qu’il vous oublie, qu’il fasse en conscience le choix de vous abandonner, qu’il vous le signifie clairement, tu n’es pas la bienvenue dans ma vie, il n’y a pas d’explications, pas de théorèmes, pas de démonstrations, pas de logique, rien, il n’y a rien, que les souvenirs sublimés de ton enfance, et le vide immense, celui qui habite à l’intérieur de ton corps trop grand lui aussi, il en faudra du gras pour cacher le trou qui habite en toi.

Standing In The Way Of Control

J’aime pas être enfermée, je déteste prendre l’avion, le métro m’oppresse et je cherche la sortie dans le train, je voudrais pas être enterrée vivante et gratter les parois lisses d’une boîte trop petite pour me contenir, quand je vois encore le ciel, quand mes pieds touchent la terre, il y a encore de l’espoir, si je cours ou si je crie, si je parle ou si j’oublie, j’en sortirai, je me sauverai, personne n’aura ma peau, surtout pas les autres, surtout pas moi, les douleurs qui me lancent et les blessures qui suppurent, dégoulinent les crevasses, passe le temps, je voudrai pas crever avant d’avoir guéri, je rêve de ne plus subir, ni l’inné, ni l’acquis, être libérée, légère, être en vie plutôt que d’attendre immobile le moment où tout finit.

On laisse les gens conduire à nos places, on ne passe pas le permis, on lie les liens qui nous serrent, on se laisse faire, on ne devine pas, à quel point la boule qui bouge en toi ne te laissera pas tranquille, elle critique tes actes et te parle quand il fait nuit, qu’as tu fait de tes talents, que deviens tu, laisse moi exister seulement, donne moi une place, ouvre la bouche et laisse moi parler, laisse couler les mots et les injures, la rage et les regrets, bouge bordel, prend le contrôle, agis, tu crois gérer parce que tu bouffes, tu vomis et tu pleures, tu te lèves pour bosser et tu es polie avec tes amis, tu te remplis de vide, de dérisoire, d’inutile, faire les courses et partir en vacances, s’offrir des fringues et boire à outrance, les séquences s’enchaînent, c’est le storyboard le plus chiant de la terre, pas de sens, pas de sortie, encore l’acquis.

Je me vois vieillir, je me vois peiner, les nuits blanches moins faciles, l’ennui qui s’invite et qui ne repart jamais, mon corps abimé par des années de déni, l’habitude de penser en rond, tourner en rond, ne rien remettre en question, ferme les yeux, ouvre la bouche et avale, le chocolat et les mensonges, les couleuvres et les poisons, comment font les autres qui ne doutent de rien, qui ont choisi tôt leurs vies, leurs carrières, leurs destins, mariés, parents, employés, tous dans le moule, j’ai pas la forme, j’ai pas l’envie, je sais juste que je suis mal et que je voudrais arrêter, me trouver c’est stupide, adolescente retardée, pourtant c’est vrai, c’est la question qui me hante, ou je vais, ce que je fais, le sens du rond-point et les bifurcations, je veux voir clair enfin, débarrasser ma vue des filtres que j’ai créé, les roses et les plus noirs, le gris surtout, bâtard.

Je ne suis pas exigeante, je suis paresseuse, je suis peureuse et je suis molle, je me laisse dévorer par la boule et elle m’habite, elle contrôle mes cauchemars et m’empêche d’écrire, d’aller au bout des choses, de couper dans le vif, je jalouse et j’envie, je rêve et je me maudis, les excuses qu’on se trouve et celles que la vie nous fait, ne pas prendre de risque, rester au chaud, voir venir, attendre et soupirer, se plaindre et stagner, surtout ne rien tenter, apaiser le trouble par des remèdes faciles, une carte bleue, une connerie, des soirées passées à refuser d’allumer ton cerveau, mise en veille prolongée, erreur fatale, écran bleu, fumée.

Disparaitre

Ca a commencé doucement. Un nouveau régime, des protéines, du poulet, bouilli, des lentilles. L’index glycémique des aliments, les carottes malsaines et le soja ami, la fréquentation des supermarchés bios, le pain germé et la crême d’avoine, jusqu’ici tout va bien, je mange sainement, je respire mieux, je perd du poids, je maîtrise, les calories et puis le gras, le sucre, les liquides, ce qui rentre et ce qui sort, 850 calories par jour, pas une de plus, les yahourts c’est 49 kcl, les jaunes à la vanille, tu vois, si je coupe un demi kiwi c’est divin, il parait, 90 calories.

A moins de 1000 calories par jour, pas de révolution possible, ton cerveau sucré crie famine, il ne fonctionne pas aussi vite qu’avant, tu cherches tes mots et les touches du clavier changent de place sans te prévenir, à 17h les vertiges t’ordonnent de manger une pomme, sous peine de tomber, les premiers jours c’est le manque, la sensation d’être vide, d’être transparente, vidée de ta substance, ensuite vient l’euphorie, tu n’as plus faim, tu jouis, tu joues avec tes nerfs, coupe la pomme en deux pour voir si tu tiens encore jusqu’au diner sans manger l’autre moitié, la liste des aliments interdits n’en finit pas de grandir, le lait, meme écrêmé, pas nécessaire, les fruits, trop sucrés, le thon, trop salé, les endives et le céleri, ca c’est parfait, difficile à digérer, ton corps brûle plus d’énergie à tenter de les assimiler qu’à les déguster, 500 calories par jour maintenant, moins 18 kilos sur la balance, je suis invincible, je suis magnifique.

400 calories maintenant, troisième mois de diète, je ne perds plus de poids, c’est le plateau tant redouté, j’ai beau boire 3 litres d’eau, manger uniquement végétal et cru, me priver encore et encore du moindre fruit, de la moindre tomate, je n’y arrive plus, mon corps se refuse à me rendre enfin diaphane et etherée, tu luttes, tu arrêtes de manger, tu ronges tes ongles jusqu’au sang en te demandant si leur apport calorique est suffisant pour la journée, tu passes à la pharmacie et tu dévalises de rayon laxatif, te nettoyer, te purifier, faire disparaître le noir qui pése si lourd à l’intérieur de toi, se forcer à vomir, même l’eau, même l’air, ta tête arrête de tourner, elle s’arrête tout court, les points lumineux dans tes yeux, le froid qui te glace les pieds, les mains, les phalanges noires du sang qui arrête de circuler, au radar la fille qui maigrit, elle se cogne contre les gens, elle se heurte tout le temps, des bleus plein le corps qui ne finit pas de maigrir, 25 kilos plus tard, 4 mois après, tu finis avec les pompiers, qui pestent parce que tu es encore trop lourde à porter, malaise dans le métro, tu vois ta vie défiler, perfusion de potassium, requinquée l’acharnée, personne ne te croit, tu es trop grosse encore pour être anorexique, obèse clinique il te faut un régime, tu sors des urgences avec une ordonnance de médicaments puissants, ils sont tellement aveugles, ils sont tellement méchants.

Bientôt tu seras comme tout le monde, tu pourras rentrer chez Promod, acheter un haut et puis bientôt un pantalon, fini les boutiques spécialisées et le regard de la vendeuse qui te méprise chez Zara, fini les commentaires de ta famille qui ne comprend pas, comment une fille comme toi peut se laisser aller à ce point là, tu es tellement jolie, ton visage est parfait, quel dommage que tant de gras vienne gâcher ce joli portrait, enfin comme tout le monde tu pourras avancer, la tête haute, les seins devant, plus rien à craindre, plus de quolibets, défoncer la gueule de tout ceux qui t’ont emmerdé, les médecins et les professeurs, tes parents, la société, natural born killeuse, vous avez tellement profité, de ma faiblesse et de ma peur, de mes complexes, maintenant je viens vous faire payer, je viens vous exploser, je viens vous expliquer.

Un soir pourtant il te parle un peu plus mal qu’un autre, t’as beau avoir maigri, t’es toujours la grosse conne qui lui sert de copine, t’es toujours moche, t’es toujours molle, tu rentres chez toi, tu retrouves le numéro de Domino’s Pizza, tu commandes et tu te baffres, ca te fait mal tellement t’as oublié, comment c’était de manger, du pain et puis du coca-light, la frénesie est repartie, tu bouffes et tu baffres, tu te réveilles même la nuit, tu remplis le vide immense qui se creuse chaque jour, chaque fois qu’on te remet à ta place, chaque fois que tu manques d’amour, t’empile les couches successives de peau sur ta plaie tellement à vif, deux mois plus tard, 35 kilos repris, tu passes devant la glace du Promod et tu te souris, t’es grosse, t’es obèse, t’es vivante et tu t’en fous, t’as largué ton connard et t’as changé de vie.

If You Don’t Get What You Want

L’odeur de ta voiture, le tabac froid et ton parfum, celui que j’aime pas, qui me pique les yeux et que je sens partout dès que tu t’en vas, la route vers ce week-end-end, la frontière et puis Bruxelles, l’hôtel et puis les rues, le froid et puis les frites, la chambre et puis ton corps, j’ai pas de souvenirs précis, rien à raconter vraiment, juste des images que je n’arrive pas à retenir, le soleil place Sainte Catherine, ton tee-shirt drôle qui fait hurler les gens, ta main qui ne prend pas la mienne, ma bouche qui te cherche, l’impression d’être toute seule, d’être sans toi encore.

Je m’en étais fait toute une histoire, tu sais, ce week-end-end avec toi, dans mon sac j’avais tout prévu, dans ma tête c’était déjà écrit, ce que j’allais te dire, ta manière de réagir, ma main dans la poche de ton manteau, les bières qu’on allait boire, les gens qu’on allait voir, être à deux devant des gens, c’était permis, c’était acquis, on devenait ensemble quelqu’un, on partait deux, on revenait un, j’avais gagné, des mois à te chasser sans t’attraper, des nuits entières à te retenir, à te chercher, c’était la fin de l’errance, sans parler tu acceptais d’être avec moi vraiment, pas juste entre les murs de ta chambre et les draps de mon lit.

Les pavés des rues qui montent, le rock alternatif qui hurle, ce concert où je t’ai laissé quelques secondes hors de ma vue, je t’ai perdu, cette nuit à te chercher, entre les grappes de gens, dans les bars et sur les parkings, ton téléphone qui sonne dans le vide, la peur qu’il te soit arrivé quelque chose de grave, le retour à l’hôtel, infiniment seule, infiniment triste, l’attente, roulée en boule dans notre lit, que tu reviennes, que tu appelles, ton message laconique, le tram et la gare du Midi, le Thalys, le métro, et mon lit.

Je te laisse revenir pourtant, à chaque fois, tu reviens et tu arrives à me faire oublier, juste au moment où j’ai décidé de t’oublier, t’effacer, te tuer, tu fais quelque chose de formidable, de joli, d’amoureux, tu ne t’excuses jamais, tu n’en reparles pas, je me dis que toi et moi on est au dessus de ça, on a pas besoin de s’expliquer, on est des êtres libres, on est intelligents, la vérité c’est que tu ne sais pas parler, t’es autiste et j’ai peur, si je rentre à l’intérieur de toi, si je te force à me dire, de découvrir que t’es le connard objectif que je décris dans ces quelques lignes, j’veux garder mes oeilleres, j’veux pas te voir, juste l’odeur de ta voiture et ton parfum.

Médiocre

J’ai pitié de toi, t’es une merde, c’est commun mais ca résume tellement bien ce que je pense de toi, une merde un peu chaude encore étalée grassement à mes pieds sur le trottoir, restes de bol intestinal frais et bière peu digérée, la substance même de ce qui te définit a la couleur de cette boue nauséabonde, t’es plein de toi même, imbu de ta personne, gorgé de matières fétides, déchets de la pensée, quand je te lis j’ai la nausée, mais j’ai quand même envie de continuer, accident sur l’autoroute, je ralentis comme tous les autres, spectacle immonde et public aux abois, dégueule encore pour voir, il t’en reste, fais toi plaisir, y’aura toujours quelqu’un pour trier, classer les restes toxiques et les enterrer.

Je te raconte n’importe quoi, tu gobes tellement bien, t’es tellement content, croire qu’il y a enfin quelqu’un de plus sale que toi, de plus pervers, de plus dégueulasse, je pourrais dire que je baise avec une chèvre ca te surprendrait même pas, c’est tellement rassurant de se croire mieux que moi, c’est tellement confortable de te sentir normal pour la première fois, ce besoin primaire de se définir face à quelqu’un, tu cherches ta place au pays des enculés, tu crois que j’en suis présidente, mais mec tu t’es trompé, tu confonds la forme et le fond, la chatte et le croupion, j’en peux plus de lire tes insanités, tellement hardcore, tellement tristement vraies.

Je sais ce que tu penses, j’ai ce que je mérite, à trop l’ouvrir, à préférer parler de bite, je dresse un portrait caduque, il manque une cale sous mes pieds, je branle et puis je tombe, pas sur que je me relèverai, j’ai une seule chose pour moi, la possibilité de te rayer, ne plus lire tes messages, refuser de te parler, j’oublierai tes horreurs, les plans que tu me proposes, les images que tu copies-colles à la mienne, ta situation familiale dégueulasse et tes envies sadiques, tu me donnes envie de changer mec, de mettre des cœurs autour de mes injures, de mieux parler, de moins parler, de choisir au moins mes interlocuteurs, petit test de QI à l’arrivée.

Oui, Non, Pourquoi

Je suis en colère, je suis énervée, en ce moment j’arrive pas bien à penser, je sais pas ce qui m’arrive, je suis comme bloquée, je cherche mes mots, j’arrive pas à lire, les lignes sautent devant mes yeux, la musique n’a pas de sens, change de chanson, change de métro, marche en automatique, assieds toi à ton bureau, automatiquement tape sur le clavier, fait avancer ton entreprise, surtout ne pense à rien, ni à demain, ni à lui, ni à rien, je suis sur les nerfs, je suis au bord des larmes, je suis pas dans mon assiettes, je suis mal dans mes baskets, y’a un truc qui me gratte et j’arrive pas à trouver la plaie, j’arrive pas à arracher le pansement, d’un coup sec, passer de l’alcool, passer à autre chose, je bloque.

L’inconscient, les rêves, parlez moi de vous mademoiselle, à quoi tu penses ma chérie, pourquoi tu pleures, pourquoi tu ris, à quoi tu penses putain quand tes yeux se ferment, quand tu pars loin de moi et que j’arrive pas à te ramener, où tu t’en vas, de quel droit, t’es qui pour me désobéir, plie toi aux règles, déclare toi, explique qui tu es, je vais pas me laisser faire, je vais te chercher, je vais te bousiller, je t’ai déjà repéré, je t’ai dans la lunette, j’ai plus qu’à tirer, je te bute, je ramasse ton cadavre et je le coupe en deux, je cherche à l’intérieur ce qui me remue si fort, ce qui me fait trembler, je laisse rien de côté, tes viscères, tes tripes et ton cerveau, coupés en lamelles, prêts à être étudiés.

J’ai pas besoin de microscope, je sais mais je refuse de voir, je me cache derrière mes mains, je me bouche les oreilles, je chante plus fort que toi, je veux rien entendre, je veux pas m’en occuper, j’ai peur et puis je pleure, je suis pas plus forte que ça, le truc qui vit en moi, le manque et puis l’oubli, la peine et puis le deuil, ces trucs qui arrivent à tout le monde mais qui m’ont niqué à vie, qui ont fait de moi une connasse de freak, une tête mal faite dans un corps malsain, je me plains pas, je sais que c’est là, ca bouge tout seul à l’intérieur de moi, je sais juste d’où je viens, plus je le sais, mieux je vais, seulement c’est long, trop long, parfois j’vois pas la fin, je ferme les yeux et puis je les laisse gagner, pour un instant, parce que j’en peux plus d’être contre tout le temps, contre le vent, contre les gens, je suis usée, c’est fatiguant.

C’était mieux avant, c’était mieux y’a quinze ans, quand je savais pas ce que c’était, d’être mal, de penser en rond tout le temps, de péter les plombs, surcharge de masse de vos connexions, le système nerveux central se rebiffe, débranchez la centrale, tu grilles tes chances, tu cours après demain, je m’endors en récitant quelque chose qui demande à me réveiller, parfois j’hésite, pas que je veuille partir, juste que si demain c’est pareil, si ca ne s’arrête pas, demain ca sera pire, alors je récite plus fort, je déclame et je hurle, je veux, j’exige, tu trouves que je parle fort, que je parle trop, que mon rire est sonore et que je suis trop cash, mec c’est juste ma façon de prier, de me faire entendre là haut, tu sais y’a du chemin, faut que la voix porte, faut qu’il entende, si demain je me réveille et que j’arrive à penser, quelqu’un aura entendu, quelqu’un aura décidé.

Le garcon formidable

Je connais un garçon formidable, avec qui je peux tout faire, chanter fort et puis boire, pleurer ou me rouler par terre, quand ca me serre à l’intérieur je me réfugie chez lui, il me fait du thé trop noir qu’il sucre à la cassonade, dans son intérieur parfait c’est toujours propre, le lit est toujours fait, les magasines branchés sur la table basse, les chemises empilées qu’il repasse, le parfum qu’il se met le matin, le cendrier planqué qu’il garde juste pour moi, chez lui je peux fumer, je sais qu’il n’aime pas ça, il tousse mais il me laisse faire, il passe tout mes caprices, il sait ce dont j’ai besoin, les draps sentent la lavande de grand mère quand je me couche à ses côtés, sa main dans mon dos pour m’endormir, c’est parfait.

Le garçon merveilleux n’a pas de sexe, je crois que ca l’ennuie, il aimerait que je tente quelque chose, pas qu’il en ait envie, juste pour se rassurer, se dire qu’il me plaît, mais il est mon doudou, celui que je serre en suçant mon pouce, même nu contre sa peau le désir ne vient pas, il est mon ange gardien, mon refuge, celui que je n’aurais jamais, si je le désire je fausse tout, je ne peux plus me laisser aller, mes pieds mal vernis sur la table basse et le mascara qui coule, mes histoires d’épilation et les histoires pourries de mes nuits, je ne pourrai plus lui avouer mes défauts, mes insomnies, je jouerai la fille parfaite, celle qui range son sac et qui se lève tôt le matin, qui mange des légumes et qui fait attention à la planète, j’arrive pas à être vraie quand j’aime.

On pourrait faire du sexe, se frotter, pour dire qu’on l’a fait, pour avoir quelque chose à raconter, rajouter une donnée supplémentaire dans notre équation compliquée, mais je suis lucide, ca change tout, les mails qu’on échange le jour d’après, la façon dont on se regarde, les silences et les soupirs, dans le prisme du cul tout est réinterprété, personne n’y résiste, on a beau se le promettre, dire qu’on ne changera jamais, qu’on restera toujours les amis parfaits, qu’on se fait juste du bien, sans conséquence, sans lendemain, ca ne marche pas, ca se finit mal, tu perds le garçon formidable et le nouvel amant, sans t’en apercevoir, les deux en même temps.

Je voudrais être la fille formidable de quelqu’un, pouvoir offrir ce qu’il m’offre à un garçon joli, qui ne me désirerai pas mais qui aimerait être dans mes bras, rendre un peu de ce que je lui prends pour le donner à l’autre, lui dire que tout ira bien et que j’ai acheté ses bonbons préférés, qu’il peut dormir ici, si il veut, que je suis là, qu’il dorme à côté de moi, que je veille sur lui, qu’il reparte au matin apaisé et heureux, être la maison de quelqu’un dans cette vie où tout bouge tellement, où nos repères sont niqués par la vitesse et le temps, un point d’attache rassurant pour mec au bord de la crise de nerf, un point virgule, un espace, une fille bien juste peut-être.