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Zobi.

J’voudrais écrire toute la journée, lire et puis procrastiner, j’voudrais être payée pour donner mon avis, défoncer des concepts et décortiquer des idées, j’voudrais compter les mots dans mon traitement de texte jusqu’à ce que ca fasse 10 000 signes, j’voudrais finir mes nouvelles et puis écrire un livre, avoir du temps pour créer, peindre et dessiner, mais j’ai un boulot alimentaire amusant qui me bouffe les trois quart de mon temps éveillé, je suis pas une mutante, j’ai besoin de temps pour dormir et rêvasser, alors j’ai l’impression d’aller dans le mur et de ne rien finir, de courir toute la journée pour pouvoir tout faire rentrer, le nécessaire pour payer la bouffe et loyer, le vital pour ma tête, et le superflu qui te permet de respirer.

Je lutte pour trouver un équilibre parfait, j’envie tellement les gens qui arrivent à vivre leur truc vraiment, qui vivent chichement mais qui s’en foutent, qui combinent leurs névroses et leur talent, qui donnent du sens à leur vie, ou même ceux qui occupent comme moi des métiers relativement pourris, mais qui y trouvent assez de force pour se lever avant midi. J’ai peut-être pas la force, je suis peut-être une feignante, j’ai surtout l’angoisse de tout faire foirer qui me bouffe le ventre, comme si il fallait choisir en permanence entre ce qu’il faut et ce qu’on veut, devoir prouver qu’on assume, qu’on travaille, que comme tout le monde j’en chie, alors qu’on pourrait vivre autrement, on a les moyens de faire mieux, mais t’as peur et tu te mens, tu te caches et tu attends, les mois passent, y’a rien qui change, t’es juste de plus en plus déphasée, la réalité te semble si morne que tu cherches des moyens d’y échapper.

Je voudrais faire le grand saut, dire à partir de maintenant je réfléchis, je fais ce dont j’ai envie, j’écris et puis je tente, il sera bien temps de retourner à l’usine si je me plante, je me fais l’effet des connasses qui postulent à la Star Académie, je me moque de moi je me ridiculise, je me culpabilise aussi, qui je suis pour me laisser du temps alors qu’autour de moi ceux que j’aime travaillent comme des chiens et se saignent, je me prends pour qui, je pense à quoi, j’ai vraiment rien que de la merde en tête, j’arrive pas à faire le tri, entre les possibles et le reste, entre ce que je fantasme et ce que me réserve le réel. Je voudrais pas passer à côté de moi, je voudrais pas finir ma vie sur un constat amer, me dire que j’aurai pu, que ca aurait été joli, mais que je me suis laisser bouffer par le confort et par l’habitude, par les automatismes, par tout ce qui fait que je m’empêche de sauter, et même de penser à sauter.

Je suis dans l’angoisse d’être au bord de quelque chose que je pourrai réussir, quelque chose de concret, qui sort de ma tête pour arriver sur du papier. Ca me semble impossible, malgré les bons présages, mais les possibles existent, et m’empêchent d’avancer dans la vraie vie, je suis entre deux chaises, mon cul pourtant énorme ne remplit pas l’espace, choisir c’est renoncer mais je suis pas sure d’avoir une bonne étoile ou une marraine fée, y’a que moi et ma conscience qui se regardent à l’infini, qui s’interogent et qui se parlent, sans jamais arriver à un compromis.

Long is the road

Tu pleures dans le métro, tu sais pas pourquoi, tu sors du boulot, et d’un coup, ca te tombe dessus, t’essaie de résister mais c’est pas la peine, t’as beau serrer la mâchoire, jouer avec ton téléphone, changer de musique, plisser les yeux, tu sens que ca monte et tu peux rien retenir, tu voudrais pourtant, ne pas te livrer à ces inconnus, ce vieux qui prend toute la place de l’autre côté du strapontin, la nana d’en face qui est beaucoup trop belle pour pleurer, qu’est ce qu’elle a à chialer cette grosse morue, ca se fait pas, comme ça en public, pour rien, sans raisons, en plus j’ai pas de mouchoir, je vais finir écarlate et échevelée, le corps secoué par des sanglots qui partent des pieds, qui remontent et qui me donnent le hoquet, j’ai pas envie mais je contrôle rien, ca coule sur mes joues et ca tombe le long de mon manteau, tout le monde me regarde, j’ai honte, j’ai froid et je voudrais sortir de là, encore six stations, résiste, les inconnus peuvent bien se moquer de moi, peut-être qu’ils ont envie de pleurer eux aussi, que tu pleures pour ces vingt personnes qui n’osent pas.

Journée de merde, journée pourrie, la tête qui tourne et les yeux dans le gris, mes jambes tremblent, la bouche sèche, l’angoisse au bord des lèvres, envie de mourir mais pas assez, moment de répit, tu crois que c’est parti, et puis ca revient comme une vague souillée et dégueulasse, ca t’emporte et tu voudrais te cacher, creuser un trou dans le parquet et t’y recroqueviller, attendre qu’on vienne te chercher, qu’on te prenne par la main et qu’on t’emmène, là où t’as pas mal, là où rien ne t’atteint jamais, au fond de ton lit, dans le noir protecteur de ta chambre familière, les ombres et les lumières que tu connais par cœur, le bruit du radiateur et les talons de la voisine, les sons sourds qui te parviennent comme dans le ventre de ta mère, être petite encore, enfant et protégée, ne pas avoir des choses à faire, ne pas avoir besoin de lutter, rester immobile des heures et puis des jours, s’enfermer en soi-même, ne plus rien dire, ne plus parler, atteindre la fin du cauchemar, du mal-être, buter encore une fois le chien noir et sa cohorte de fantômes, assurer le minimum vital, se concentrer sur respirer, se souvenir de boire et de pisser, j’ai pas envie d’y retourner, je suis bien dehors, j’ai pas envie d’arrêter de vivre, de rire, de ressentir, mais j’ai putain de peur d’être au bord et je flippe.

J’ai pensé à ça toute la journée, le sentiment obsédant que tout recommençait, que j’étais grillée, foutue, usée, incapable au bonheur, bonne juste à me jeter, j’ai revu les semaines sans me laver, les yeux exorbités, tes forces qui te quittent et tu peux rien pour les rattraper, j’ai vu l’angoisse qui me scie le ventre et qui me rend malade, qui fait courir à mon cœur des sprints intolérables, j’ai chialé dans ce putain de wagon, devant toi peut-être qui t’en fout, qui m’a déjà oublié, je me suis raccroché à l’espoir que peut-être quelqu’un viendrait me chercher, à la descente, un visage et des bras, la douceur confortable du creux de son épaule, il était là et j’ai explosé, j’ai hurlé et j’ai pleuré, j’ai déchargé toute ma peur, toute ma journée, j’ai vomi la terrible noirceur d’être seule sans lui, je me suis accroché à son bras et il m’a conduit jusqu’à mon lit, il m’a déshabillé, comme si j’étais ivre, comme si j’étais défoncée, comme une enfant endormie qu’on porte vers son lit, surtout ne rien brusquer, des gestes lents, la voix assurée, il m’a dit tout ira bien, dors ne t’inquiète pas, tu verras bien demain, il m’a dit qu’il serait là, quand je dors, quand je crie, quand je me réveille aussi, il a dit tu es belle ne t’inquiète pas, les chiens on les achève, mêmes les noirs, même les bâtards, on les crève et on les enterre, je monte la garde je le laisserai pas rentrer, si il pousse la porte je le tue, je te sauverai.

Saint Valentin (Vieille Pute) (NDLA)

Jte fais un poème en prose pour la St Valentin, la rime c’est difficile, ca passe mal, ca n’apporte rien, pour te dire que ce jour pue tellement que j’ai envie de vomir, que si tu m’offres des fleurs je ferai exprès de les laisser mourir, j’leur filerai pas à boire, j’les laisserai crever, elles méritent que ça, ces salopes, à me rappeler ton absence et mes regrets.

Je comprends pas les couples qui se tiennent par la main, qui s’offrent un beau resto et qui échangent des cadeaux, ils se foutent de ma gueule, ils se gaussent et ils jouissent, de me voir passer seule devant la vitre, la mine défaite et les yeux mouillés, j’ai envie de leur éclater la tronche à coup de marteau, leur refaire le portrait façon Picasso, qu’ils seront heureux à l’hosto dans leurs lits jumeaux, se faire nourrir à la becquée par une infirmière éplorée, une histoire de plus à rajoutée à l’album intitulé “nous deux”, l’histoire de la folle furieuse qui gâcha notre première St Valentin en amoureux.

J’voulais parler d’amour, j’voulais écrire pour un concours, j’voulais dire les fleurs et les abeilles, le parfum et le soleil, les nuits de passion et les vacances à Montluçon, le mariage qu’on prépare, les dragées et la fanfare, les enfants qu’on aura, les rêves qu’on fera, je suis pas douée pour ces choses là, j’voudrais faire un grand geste romantique, un lip-dup de Bon Jovi ou un strip-tease mélancolique, te dire que je t’aime sur des milliers de putain de post-it, mais je ronge mon frein, je mate des conneries, je pense à rien, c’est plus facile, je risque pas de me vautrer, me prendre un vent, manger un mur, retourner dans l’obscurité.

A trop aimer toute seule, on finit comme moi, le cul dans son canapé, les nerfs retournés, une dizaine de clopes écrasées dans un cendrier, une lettre pas finie qui partira à la poubelle, le miroir qui me renvoie ma gueule de pas belle, mes pieds trop grands et mon ventre monstrueux, mon nez trop court et mes lèvres trop fines, cette année, comme l’année dernière et celle d’avant, je ne dirai rien, je ronge mon frein, ca saigne toujours, c’est ca l’amour, enfin je crois, c’est juste comme ca que ca se passe pour moi.

Si t’es comme moi un peu blasée, un peu dégoutée, un peu chiante, un peu méchante, je forme un club, on fera des sorties culturelles, on partira en vacances et on apprendra la broderie, on nous traitera de vieilles gouines dans les boîtes de nuit, ensemble on sera plus fortes, on se tiendra chaud, quand les autres autour sont trop heureux, quand tout va pour le mieux pour eux, on s’en fout des gens, nous on souffre mais on est bien, on aura pas d’enfant, on tournera vinaigre, on finira ensemble, dans la même maison de retraite.

Enjoy the silence

Je déteste la solitude et pourtant je la recherche, j’aime penser seule, parler seule, écrire seule, je ne partage pas la musique qui me fait vibrer, je la garde pour moi comme un secret, mes livres sont rognés, cornés, fatigués, je ne le prête pas pourtant, ils sont lus, dévorés, relus et digérés, mon appartement c’est mon antre, quand tu viens je me sens dérangée, je veux pas que tu vois mon merdier, mes trucs et mes piles, le courrier entassé dans l’entrée, ni ouvert, ni trié, la télécommande scotchée, la grotte dans ma chambre, mes 3 bouteilles d’eau, mes mouchoirs et mon ours en peluche, chez moi c’est mon refuge, je m’y planque quand j’ai mal, quand je vais pas bien, quand je chouine, si tu viens, s’il te plaît, ne touche à rien et repart vite.

Quand je suis dans un groupe, j’essaie d’être sociable, je claque des bises et je raconte des conneries, j’essaie de m’intéresser, en vrai je suis pétrifiée, sortir de moi me demande un effort terrible, je m’arrache de l’intérieur, j’ai l’impression de me mettre en scène, réfléchir à ce que ferait une nana cool si elle était à ma place, qu’est ce qu’elle dirait, de quoi elle parlerait, j’ai ce complexe affreux, l’impression paranoïaque que personne ne viendra jamais vers moi, alors je provoque, je cherche, j’en fais trop, je parle trop fort et je bouscule, si tu me plais et que j’ai envie de t’embrasser, je sais pas faire, je te propose direct de te sucer.

J’aimerai trouver le juste milieu, le sens kantien de l’équilibre, être moi sans réfléchir, la scénographie de la sociabilité me fatigue, j’ai trop d’informations qui me submergent, le tri est trop difficile à faire, je prends les gens en pleine gueule et ils me retournent à chaque fois, en bien, en mal ou en pourri, en tout cas je ne les oublie pas. J’envie et je hais les communicants, ceux qui savent parler de la pluie et du beau temps, qui se lient d’amitié en dix minutes, ceux vers qui on va naturellement, qui donnent envie, qui savent sourire, je me sens toujours de trop, toujours mal placée, toujours décalée, je sais pas faire simple, l’alcool la nuit ca aide mais ca n’enlève pas l’essence de mon souci, une timidité maladive que j’enfouis sous une tonne de connerie.

J’ai toujours besoin d’en faire plus pour me sentir à la hauteur, le complexe de la grosse fille par excellence, c’est pas original, c’est tout à fait triste, comme si pour me faire pardonner de mon monstrueux physique il me fallait compenser, composer, impossible d’être juste moi pour être aimée. Si je tombe amoureuse c’est une torture, je me plie en douze pour te plaire, je te singe et je t’imite, persuadée que ce n’est pas moi que tu aimes en moi, mais le reflet que je t’offre de toi. J’ai pas encore appris à être vraiment seule dans mon corps, dans ma tête, débarrassée des autres moi, l’allumeuse, la salope, la drôle, la déprimée, la cynique, la méchante, la généreuse, la connasse, elles m’habitent et me plantent des aiguilles dans la moelle épinière, elles me font fléchir et m’oublier, je voudrais les vomir, les tuer, mais elles me protègent et je les connais, elles sont autant de facettes de moi avec lesquelles jouer, elles sont moi et je suis elles.

Taille

Choisis ton arme d’abord, une lame, une pointe, un briquet, la peau appelle le vice, les bras et puis les cuisses, le cutter contre la flamme, rouge puis noir, chauffé à blanc comme ton esprit kamikaze, sans réflechir sans y penser, pose la tranche brulée sur ta peau morcelée, quelques secondes ça suffit, la cloque se forme, l’esprit se vide, c’est presque le paradis. Fix de douleur physique quand dans ta tête c’est trop rude, quand les voix prennent le dessus, celles qui crient et qui t’injurent, tu cries dans le vide, personne n’entend, pas besoin d’asile pour être en chambre capitonnée, la réalité assourdit tes cris, ils heurtent mollement les gens sans pouvoir les inquiéter, c’est rien ca lui passera, laisse la tranquille, viens manger.

Les bras ca se voit, c’est difficile, traumatise tes amis avec ton histoire psychiatrique, non j’ai pas eu d’accident, je me suis pas pris de vitres, c’est la vie et puis mes mains qui ont creusé les sillons, reptiliens sur mes mains, concaves dans mes cuisses, cicatrices indélébiles des nuits noires où j’aurai voulu partir, chaque morsure du compas enfoncé jusqu’au sang, autant de rage qui sort de moi, goutte à goutte, jusqu’à l’épuisement, l’assèchement. Le ventre ton psy dit que c’est sexuel, il paraît que tu as été touchée, par un oncle ou par ton père, il sait pas bien, mais c’est obligé, pas convaincue tu continues, c’est pratique, c’est discret, ca fait plus mal aussi mais c’est meilleur quand c’est fini, ca nique dans la vraie vie, quand tu sors de l’état second de la nuit, marche en pleine lumière comme un crabe pour cause de plaie et de douleur ingérable. Les cuisses c’est la culpabilité, la haine de soi et puis l’ennui, les dessins que tu fais peu à peu, l’étoile et puis le carré, t’as même plus mal c’est juste pour décorer, toucher ton corps comme tu peux, te le rapproprier, ces cuisses m’appartiennent, à moi seule, et j’en ferai ce que je voudrais.

Ca passe quand tu grandis, ca aussi, c’est écrit, un après-midi en manches longues à la plage tu réalises ta connerie, tu caches tes cicatrices, ta honte et l’ado fuckée que tu as été, t’assume pas les traces qui refusent de blanchir, vergeture de croissance, lignes floues, points sanglants et traces brunatres, tu te demandes comment t’as fait pour vivre avec tout ça, ca te saute à la gueule, tu vois plus qu’elles, chaque boursouflure de ta peau qui te rappelle, le soir où t’es parti, la dernière fois, la première fois, et puis les autres fois, tu te remercies d’avoir gardé tes mains intactes, présentables, sociales, aimables, tu te mets à craindre le regard de l’autre, qu’il devine et qu’il te pose des questions, c’est fini tout ça, on en parle plus, fous la paix à mes démons. Ils se réveillent parfois les matins d’angoisse, quand tu te lèves dans le coma et que ta poitrine ne se soulève pas, la douleur entre les côtes, la respiration qui siffle, bloquée, crucifiée, punaisée, impossible d’avancer, alors tu cherches une manière de te soulager, rapide, facile, immédiate, la lame du rasoir cachée, tu t’en souviens bien, tu la veux mais tu résistes, t’es grande maintenant, les adultes ne se charcutent pas les bras.

RER D

Le pied qui s’accroche sur le coin du lit au réveil, la douleur dans le petit orteil comme si on t’arrachait une dent, tu te hisses dans la baignoire, y’a plus d’eau chaude, t’étales à l’eau froide ton maquillage de la veille, panda pathétique sous la lumière triste du néon de la salle de bain, il fait froid même dedans, dehors il pleut, plonge dans l’armoire qui dégueule les fringues, forcément tu trouves rien, ta sape préférée se planque derrière le canapé, oubliée, trouve tes chaussettes d’hier roulée en boule au milieu du couloir, tu les sens vite fait, pas d’odeur, pour les neuves ca attendra ce soir.

Vite attrape ton sac, ton téléphone et puis tes clés, dévale les escaliers, prend toi les pieds sur le paillasson du hall d’entrée, latte toi la gueule sur la dernière marche et prend toi pleine face la porte vitrée, relève toi, glisse sur les feuilles pourries sous la pluie, court après le bus qui s’arrête 500 mètres avant ton terminus, court après la montre et le bruit du train qui arrive en gare, saute dans le premier wagon, voyage plié entre un mec qui se frotte et une meuf qui tricote, ca sent dèja la transpiration et la fin de journée, pourtant il est 8h06, ca vient juste de commencer.

Les Halles, changement, tout le monde descend, fait la queue en bas de l’escalier mécanique, tout le monde est pressé, tout le monde se pousse, joue des coudes et passe devant, grimpe et dépêche toi, y’a du monde derrière toi, tourne à droite, pass Navigo qui refuse de bipper, les contrôleurs t’attendent déjà de l’autre côté du tourniquet, pas de photo sur la carte, mademoiselle ca fera 30 euros, déchire le papier rose devant leurs yeux, reprend ta course, souris au clodo, chaque matin il taxe devant la boulangerie, défoncé les pieds nus dans la station puante, gobelet de papier à la main, il sait que tu donnes rien, mais tout les matins, il lève la main, pour te souhaiter bonne journée, sourire et repartir mendier.

Ligne 4, les parisiens, apprêtés et puant le parfum, les bobos les plus cools descendent à Étienne Marcel, putes à franges et mecs en costume-basket, les pakis du Sentier descendent comme moi à SSD, les coiffeuses et les chinoises font une station de plus, je les retrouverai ce soir à la fermeture, dernière épreuve, les escaliers, zappe le mec des gratuits, j’aperçois mon café, au Central on se tient chaud, les travailleuses du trottoir prennent des forces, les boys des livraisons attendent le patron, moi je prends du calme, un allongé, une clope et Libé, j’ai 10 minutes pour me réveiller, twitter et envoyer mes voeux du matin à ceux qui le méritent, ils me soutiennent de loin, sous la couette encore les enculés, je vois mon boss passer devant le café, il tape sur la bâche pour me dire de me presser, ca promet, 2 euros 30 plus tard, je suis dehors, apaisée, prête à l’entendre gueuler toute la journée.

Tu penses à quoi ?

Je pense que finalement c’était pas une bonne idée, de me laisser aller, de t’avoir dit des choses sur moi, d’avoir ouvert ma porte, t’avoir montré les choses et puis les gens, je suis tellement déçue que ca prendrait des tas de syllabes et de courage pour le décrire, je fais semblant d’être énervée mais au fond j’ai vraiment de la peine, tu grattes un peu, tu retires le vernis, derrière c’est pourri, dans le silence tu t’es montré, t’as mariné dans ta rage et tu t’es laissé bouffer, t’as dégueulé ta bile et t’as cru que j’allais rouiller, mais mec les os sont solides, tu peux essayer de me tacler, t’arrivera sans doute à me faire chialer, mais à l’intérieur j’ai ce qu’il faut pour te zapper, demain j’aurai oublié.

Tu crois que tu comprends les gens, dans ta tête c’est le cliché habituel, il finit tes phrases et vous pensez pareil, la même musique et les mêmes films, les mêmes endroits et le feeling, tu penses pouvoir t’accorder avec lui un peu de répit, hublot vers autre chose dans la situation que tu te traînes, c’est pas évident, c’est pas facile, tu sens qu’il s’accroche alors tu prends de la distance, t’as pas grand chose à donner mais t’es prête à essayer, tu lui fais assez confiance pour lui parler, pour te confier, poser des bases à une relation déja niquée, même si tu sais à l’avance que tu vas dans le mur, que ce sera dur, t’es pas là pour penser à plus tard, tu penses à maintenant, à rire et à baiser, sans projets, quand il essaie d’en faire tu essaies de te projeter, mais ca fonctionne pas, c’est bloqué, t’as les pieds ancrés dans ton quotidien, s’échapper quelques heures, c’est déja bien.

Les parenthèses enchantées n’existent pas, elles se referment mal ou restent ouvertes à jamais, ponctuation dans ta chair, point-virgule de ce qui a été, j’ai des remords, ou peut-être des regrets, de m’être laissé vivre, si seulement on avait fait que se baiser, mais t’en veux plus, à l’intérieur de toi y’a quelqu’un qui crie que t’es tellement seul que ca te fait mal, que t’as besoin d’une nana, pour être là, juste là, mais c’est pas moi, ça sera jamais moi, ma vie est ailleurs, tu penses que je suis enfermée mais j’ai choisi, y’a presque rien qui me retient, c’est incompréhensible mais est-ce que t’as vraiment essayé de te mettre à ma place, est-ce que tu me vois seulement vraiment, tu choisis ce qui t’arrange et tu inventes le reste, tu places des mots dans ma bouche et des conneries dans ma tête, tu couches avec quelqu’un d’autre que moi, tu tombes amoureux en cinq minutes et t’as envie que pour moi ca soit la même, mais mon cœur est trop rempli pour que je puisse te rendre cet engouement soudain, j’ai choisi ma vie je m’accorde juste des surprises Bonux, le cadeau était cassé quand j’ai choisi ton paquet, le robot en plastique finit à la poubelle, avec ton cadeau et les dernières ordures que tu m’as dites.

Ne t’inquiète pas, je ne reviendrai pas, tu as gâché ce qu’il restait, tout seul, comme un con, par excès d’orgueil, t’as cru que j’assumais pas, c’est ca que tu as écrit, j’avais juste pas envie de voir ta face, j’avais besoin de temps pour me calmer, arrêter de faire la gueule et recommencer à t’apprécier, t’as écrit la fin alors que j’étais sortie pour l’entracte, ta réaction m’a dégoutée, je voudrais t’effacer, j’ai commencé par les traces tangibles de ton existence, la prochaine étape c’est les souvenirs, ca sera facile, la dernière c’est que que j’avais fantasmé, ce que j’avais pensé pour nous, je mettrai du temps à m’en séparer, à ranger et à archiver le carton d’images qui me restent en tête, ce qui aurait pu être, et ce que ne sera jamais.

Happy Place

La relaxation, c’est pas tellement ma came. J’ai beau essayer, les sons des baleines, le bruit de la pluie, le yoga, la sophrologie, ca m’énerve, ca m’excite, j’ai l’impression qu’on me prend pour une conne et qu’on me sert du vent, qu’on m’infantilise un peu et qu’on me manipule vraiment, j’ai pas assez confiance dans les gens pour leur donner mon stress, si ils dérangent tout à l’intérieur, si ils remuent les poussières et qu’ils rangent pas derrière, ca va juste me niquer un peu plus, me saouler et me donner envie de taper, j’aime pas la médecine douce, les cristaux et les amulettes, les algues de Papouasie et lampes au sel, je préfère les benzo, l’atarax ou le valium, ces trucs là ca marche tout de suite, 5 minutes sous la langue, 2h dans ton lit, t’as fait chier personne et t’as pas raconté ta vie, tu respires pas comme un phoque en essayant d’évacuer, tu finis pas en nage en position du chien couché, ca t’apaise le temps d’un instant, après ca va pas mieux, parfois même c’est pire, mais au moins t’as respiré, tu t’es posée, t’as empêché les petits vélos de tourner, abrutie mais heureuse, ne pensant qu’à recommencer.

Les deux seuls trucs qui me détendent vraiment, qui me font arrêter de penser en rond, c’est ta queue et puis gueuler, parfois aussi pleurer, ca m’arrive de tout faire en même temps, gueuler sur ta queue qui me prend, jouir et puis pleurer, les pleurs de décharge du nourrisson tu connais, ca t’inquiète, je sais c’est bizarre, c’est même un peu flippant, mais je te jure, c’est rien, c’est juste mon corps qui se détend, le canal lacrymal qui se laisse un peu aller, j’ai plus mon masque, plus mes défenses d’ivoire, mon air imposant et mon air renfrogné, je me sens un peu petite, un peu ailleurs, un peu bien, ca part tout seul, ca coule, j’essaie même pas de m’arrêter, si tu savais comme c’est bon, les traces de sel sur les joues quand mes yeux arrêtent de se mouiller, ta main qui serre la mienne, tes yeux encore dans les miens et le poids de ton corps, c’est presque mieux que la sensation d’avant, celle qui part de mon ventre et qui remonte doucement, ca part de plus loin, de ce que je cache et que j’enfouis, des choses que je ne dis à personne, ni à moi même, ni à mon psy, ce cri un peu primal, animal, qui sort quand tu arrêtes de vouloir tout contrôler.

J’ai couché, j’ai séduit, j’ai vendu mon cul pour retrouver ce sentiment, j’ai cru qu’avec celui là peut-être ca fonctionnerait, au delà du sexe c’est ça que je veux vraiment, t’as pas besoin de m’aimer pour que ca le fasse, pas besoin d’être parfait, c’est la manière dont tu me baises, la façon dont tu me touches, plus profond qu’avec ta queue, plus loin qu’avec tes doigts, ce truc qui dort à l’intérieur de moi, j’ai besoin de toi pour y arriver, pour décrypter, quand je veux me lever juste après, dis moi de rester là, de ne pas bouger, de rester contre toi, dis moi ce que tu vois dans mes yeux quand ils se voilent, à quoi je ressemble quand je me sens exister vraiment, dessine sur mon dos ce que j’ai de caché, je n’arrive pas lire, j’ai pas mon mode d’emploi, aide moi à trier, entre les larmes et les hoquets, sois fort pour moi, j’ai abandonné, je dépense tellement d’énergie à tout verrouiller, tout enfermer, les temps où je me laisse aller sont contrôlés, thérapeutiques, encadrés, je me force à creuser, après la baise ca s’en va, ca se pose à côté de moi, ca prend vie sans que j’ai besoin de faire d’effort, ca s’éloigne et puis ca disparait, la bête qui crie à l’intérieur de moi s’efface, larme après larme, orgasme après orgasme.

Sicko

Je crois que je suis malade, mais je crois tout le temps que j’ai quelque chose, un cancer ou un truc inconnu, une tumeur du genou ou un furoncle du cerveau, j’ai jamais quelque chose de simple, un rhume ou un truc, dans ma tête c’est tout de suite affreux, je me vois en blouse verte qui couvre à peine mes fesses, en train de passer un IRM sous le regard embué du médecin qui sait qu’il ne peut rien pour moi, le monde pleure, et moi je reste digne. Quand j’arrive chez le médecin, je le vois déja se marrer, la dernière fois que je lui ai expliqué que j’avais une dégénérescence maculaire, je crois que je me suis grillée, il m’écoute à moitié, il prend ma tension, me donne du Doliprane et me tapote le dos, ca m’énerve, alors parfois je vais en voir un autre, parce que le premier me connaît, donc il ne peut pas être objectif, mais le second est aussi formel, rien de grave, Fervex, angoisse.

J’ai longtemps cru que j’avais des problèmes cardiaques graves, le genre à te faire crever dans l’instant, des palpitations congénitales, un truc vraiment pas normal, un jour je me sentais pire que les autres, me voilà partie, en bus, jusqu’aux urgences les plus proches, j’arrive et j’annonce fièrement à l’infirmière de garde que je viens pour une crise cardiaque, c’est sur j’ai tout les signes, le bras qui gratte, la mâchoire bloquée, la poitrine oppressée, du mal à respirer, éléctro-cardiogramme et examens plus tard, non, rien de rien, même pas un petit souffle au cœur à raconter aux copains, juste une crise d’angoisse et une bronchite, au moins j’ai fait rire tout le service, de l’interne à l’aide soignante, avec ma pseudo pneumonie du palpitant, je repars comme je suis venue, une ordonnance de plus à ajouter à la pile sur mon bureau, et la promesse de ne pas revenir demain avec quelque chose d’imaginaire, parce que les urgences c’est pour les vraies urgences mademoiselle, pas pour les détraquées pathologiques comme vous, on vous conseille de consulter.

Quand je pars loin de chez moi, mon sac c’est la pharmacie, pour la tête ou pour les pieds, pour les angoisses et contre le mauvais sort, j’ai tout ce qu’il faut rangé, bien classé, la seule chose que j’arrive à ordonner, je me demande si j’ai pas raté ma vocation, pharmacienne ca m’irait bien, des hémorroïdes à la peine de cœur, je peux prescrire, j’ai testé pour vous, je connais sur le bout des doigts les notices en papier Bible, je les dévore et j’attends les effets secondaires à chaque fois, persuadée que le 1 sur 10 000, forcément ca tombe sur moi. Ce soir je suis à peu près sur d’avoir un ulcère purulent, qui me détruit l’estomac, j’ai lu tout ce qu’il faut sur l’opération, je suis parée, j’hésite entre écrire mes dernières volontés et faire ma valise pour l’hôpital, dans mon portefeuille il y a un post-it géant “Allergique à la pénicilline”, imagine que je tombe dans la rue et que je sois inconsciente, que j’ai un accident d’avion ou un coma soudain, comment ils sauraient ce qu’il faut me faire et ce qu’il faut me donner, je préfère assurer, les médecins, ces incompétents, de toutes façons ils me trouvent jamais rien.

Alors si je n’écris plus pendant quelques jours, ne t’inquiète pas, je suis pas loin, je erre de service en service à la clinique de ma ville, je saute sur les médecins pour leur arracher un diagnostic, je m’invente des douleurs pour les forcer à passer des examens, au bout d’un moment ils seront saoulés et nous renverront, mes ulcères, mes cancers, mes angoisses et moi.

Obsédée

Je le jure, je le fais pas exprès, ca me prend comme ca, je contrôle pas, ca part de la plante des pieds et ca me remonte de l’intérieur, ca me ravage l’estomac, j’ai des fourmis dans les doigts de pied, j’arrive plus à penser, je t’écoute plus, tu peux parler, vas-y, continue, moi je suis plus là, j’ai envie de toi, je sais c’est pas normal, je dois être carrément obsédée, complétement détraquée, c’est pas le moment, c’est pas l’endroit, je doute que tu partages mon émoi, on est face à face en terrasse, autour y’a des gens, ils parlent eux aussi, mais aucun son ne passe, tout est décalé, ta voix devient plus lente, comme un 33 tour un peu rayé, je hoche la tête, je grogne un peu, pour faire semblant d’acquiescer, la vérité c’est que je te vois déjà à poil entre mes cuisses, ma main crispée sur tes épaules, cambrée, haletante et comblée, c’est mal, c’est pas bien, ca craint.

J’essaie de contrôler mes pulsions, je déteste me prendre des vents, je reprends en main la situation, je relance de dix et je demande à voir, un commentaire un peu intelligent pour que tu continues à parler, je me raccroche à ta conversation, je t’assure c’est pas simple, tes mains posées sur la table, j’ai envie de les attraper, de les coller à moi, de les emprisonner, quand tu me regardes un peu en coin j’ai envie de t’embrasser, de ces baisers mouillés et peu précis, qui partent de tes lèvres et qui arrivent sur ton nombril, je commence à rougir, tu penses que c’est parce que je suis gênée, que t’as dit quelque chose de mal ou que tu m’as embarrassé, je te laisse croire tout ça, je peux rien avouer, dire que j’en ai rien à foutre de ton parcours ou de ton boulot, tes emmerdes et la dernière blague qui t’a fait rire, ce qui m’intéresse c’est la taille de ta queue et la force de tes hanches, les grimaces de ton visage quand tu prends du plaisir, et si je rapproche mon pied du tien, c’est pas vraiment un accident, c’est comme un défi, si tu ne bouges pas c’est que j’ai raison, tu vas te lever, on pas partir, se planquer dans la cour derrière et faire des trucs complètement répréhensibles, les gens pourront passer, on s’en fout, on est occupés.

J’ai le cerveau qui travaille trop en ce moment, c’est peut-être hormonal, ils disent ça sur le net, c’est peut-être l’envie d’arrêter de fantasmer toute seule dans mon coin, repousser une nouvelle fois la barrière qu’on se met, ce qu’on peut faire ou pas, ce qui est acceptable et ce qui peut arriver, quand je rencontre des gens j’ai toujours ce truc dans la tête, pourtant je sais, c’est pas une date, on est pas là pour se séduire, on est pas là pour coucher, je montre rien, c’est enfermé dedans, rassure toi tu crains rien, j’ai encore quelques notions de bienséance, je t’attacherai pas pour te faire subir les pires atrocités, je te rappellerai pas et je te dirai rien, je reste avec mon scénario un peu dingue, mes envies déplacées, ce truc dans mon ventre qui s’agite et qui refuse de s’apaiser, mes doigts qui se baladent entre mes jambes dès que j’en ai l’opportunité. Tu deviens mon matériel à fantasme préféré, rangé entre mon prof d’histoire moderne et le sushiman du yaki d’à côté, je te ressors quand j’ai envie, t’es à ma disposition, j’ai enregistré ton visage et je le colle sur le corps de ceux que j’ai dans la tête, montage numérique cérébral, dans mes rêves je te demande pas la permission, parfois c’est toi qui fait le premier pas, parfois on parle même pas, en tout cas t’es d’accord et tu bandes pour moi, ce qui dans la réalité est un vœux pieu total, je suis trop pudique et complexée pour penser que ca puisse arriver.